Rares sont en ces temps de crise les chanteurs lyriques pouvant se dire gâtés par les grandes maisons du disque. Renée Fleming en fait certainement partie. Non seulement elle sort régulièrement des récitals et des albums, mais on peut également l'admirer dans un grand nombre d'intégrales.
Ainsi, ces jours-ci, la diva américaine est sur la couverture d'une nouvelle Daphne de Richard Strauss publiée par Decca et enregistrée (sans public!) par la radio publique de Cologne, la Westdeutscher Rundfunk, à la Philharmonie de Cologne en février et mars 2005.
Et quel enregistrement! Voilà un chef, Semyon Bychkov, qui sait tirer de cette partition toutes les richesses et toutes les couleurs, qui en met en valeur à la fois les moments d'extase et les instants plus intimes. Voilà une soprano, Renée Fleming, qui semble être faite pour la tessiture tendue du rôle titre, qui en a la jeunesse et le soleil dans le timbre, qui sait trouver mille nuances – et tout cela sans négliger la prononciation du texte. Et voilà enfin un ténor, Johan Botha, qui triomphe avec une facilité déconcertante des nombreux aigus d'Apollo tout en créant un vrai personnage – chose rarissime dans le cas de ce rôle. A côté de ces trois stars, on trouve Michael Schade, Leukippos à la voix claire et juvénile (et vocalement très sûr), la Gaea d'Anna Larsson, véritable voix d'alto aux graves impressionnants, et le Peneios de Kwanchoul Youn, basse au timbre rond et à l'aise sur toute la tessiture du rôle. Même les petits rôles ont été distribués avec beaucoup de soin : Ainsi le premier berger est chanté par le formidable baryton allemand Eike Wilm Schulte et la première servante par la très jeune et très prometteuse soprano Julia Kleiter.
Straussiens de tous les pays, vous l'aurez compris : jetez-vous sur cet enregistrement! De Daphne, il n'y a pas des centaines. Mais surtout – vous ne trouverez pas mieux.