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Jean-Marie Leclair : à qui profite le crime… ?

A qui profite le crime…? …si ce n'est au musicologue, au biographe confronté au mystère de l'assassinat du compositeur, survenu quelques semaines après la mort de Rameau en cette année 1764. Et les plumes de se perdre en conjectures depuis lors, quant à désigner un coupable meurtrier! Le frère? Le neveu? le rival – professionnel – (Guignon)? Un rôdeur? Peu nous importe, en fait. La résolution de l'énigme n'ajouterait (ni ne retirerait) rien à la gloire du musicien. C'est cependant bien à la mort de ce dernier que le présent enregistrement fait directement allusion par le choix de son intitulé : Le Tombeau, titre donné à la sonate VII du livre 3 par l'un de ses élèves qui l'aurait orchestrée et fait interpréter au Concert Spirituel, un an après la tragique disparition du maître, en manière d'hommage.

Ce n'est pas un hasard si, après le beau disque consacré à Nicolas Bernier, et dans le cadre de la collaboration Alpha / Centre d'Etudes Baroques de Versailles, et ses musiciens choisissent ici de servir , éminent représentant et chef de file de l'Ecole française de violon. Des sonates des quatre Livres pour violon seul et basse continue, Cohën-Akénine en retient trois (sonates IV, VI et VII) du troisième Livre op. 5 (qui en compte douze), toutes dédiées au « bien-aimé » Louis XV, au service de qui œuvrait alors (1734) notre musicien. Et ce dont avait rêvé (la fusion des styles italien et français), Leclair le fait, que traduisent fidèlement  : célérité souvent jaillissante, exubérante, animée de roborative ardeur toute transalpine des mouvements vifs, lyrisme chantant et fleuri d'ornementations délicates et fréquemment virtuoses des mouvements lents, le plus souvent « dans le goût français ». Les sonates sont encadrées par deux pièces qui révèlent d'autres facettes du compositeur : tout d'abord la réduction pour deux violons et basse continue de son ouverture pour l'opéra Scylla et Glaucus (le seul qu'il ait jamais composé) et, pour finir, le concerto n° 6 – et dernier – de l'op. 10, une œuvre qui, si elle épouse le schéma habituel du concerto « à l'italienne » en trois mouvements vif – lent – vif s'en démarque toutefois par le traitement des thèmes et l'importance des développements. Elle permet en outre d'apprécier au passage (mais déjà dans les sonates) les indéniables qualités du soliste en même temps que la parfaite cohésion de l'orchestre à cordes.

Globalement, l'interprétation, d'une grande clarté d'articulation et servie par une prise de son exemplaire nous convainc de bout en bout et l'écoute en continu (même répétée) jamais n'engendre l'ennui. La justesse des accents, la souplesse et l'évidence du phrasé, alliées à un constant souci d'expressivité, tant de la part des archets que du clavecin, complètent le tableau – impressionnant – des qualités de cet enregistrement. Si l'on y ajoute l'agrément non négligeable que constituent l'illustration picturale du boîtier (spécialité Alpha) et l'intérêt de la notice d'accompagnement, nous aurons dit tout ce qui fait de ce CD un produit particulièrement abouti qu'on ne saurait trop recommander aux amateurs…

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