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Moïse et Pharaon par Riccardo Muti

Certains des opéras de ont été sujets à des remaniements divers, tels Maometto Secondo, Le siège de Corinthe ou L'Assedio di Corinto, dont on ne sait plus lequel succède au premier quelle est la langue originale, ou encore quelle musique était écrite dans la première intention.

Ainsi, Moïse et Pharaon et Mosè in Egitto ont traversé les années depuis leur création d'une façon assez particulière, ayant un succès certain pendant toute la vie de Rossini, bien après que celui-ci ait cessé de composer, et pratiquement méconnus durant tout le vingtième siècle. Ce n'est pourtant pas le manque de qualité de la composition musicale ou l'inanité d'un livret absurde qui sont la cause d'un oubli peut-être compréhensible si l'on considère le changement de goût du public au fil des nouveaux courants musicaux qui ont parcouru le XIXème siècle. A l'origine, Mosè in Egitto était destiné au public napolitain, comportant de nombreux airs mettant en valeur la virtuosité des chanteurs. Rossini, à son arrivée à Paris, remit à l'ouvrage cette œuvre-ci sous le nom de Moïse et Pharaon, élaborant une plus grande clarté mélodique, élargissant le rôle du chœur, reprenant un nouveau livret, écrit par Luigi Balocchi et Etienne de Jouy, ne se contentant pas d'une maigre traduction, habitude alors fréquente, et introduisant un ballet. C'est donc, avant l'heure, une ébauche du grand opéra français, première esquisse d'un style qui se cherche, et qui aboutira quelques années plus tard à la synthèse d'un nouveau genre, qui ravira les spectateurs français à partir du second quart du XIXème siècle, et dont on retrouvera tous les constituants dans Guillaume Tell.

Le défi était donc de remonter une œuvre rarement jouée, dans sa langue originale, dans la version telle que Rossini l'avait décidée (la prière de reconnaissance à la fin de l'opéra fut supprimée, Rossini jugeant qu'il y avait assez de prières ainsi), et avec de nombreux solistes étrangers, dans une salle italienne. Dès le début de la représentation, la direction d'orchestre nette et précise nous assure d'une soirée qui respecte la tension de la dramaturgie, alternant extatisme romantique dans les cavatines, frisson de joie et de frénésie dans les cabalettes, compassion au choix manichéen des protagonistes : qui de Pharaon ou de Moïse cèdera en premier, qui de Sinaïde ou d'Aménophis déclinera son amour pour la patrie et la religion? C'est donc à que revient la réalisation fructueuse de cette soirée. Il insuffle l'inspiration à chacun des protagonistes, à commencer par , Moïse à la voix impériale, imposant le respect, véritable chef de troupe, avec une diction parfois un peu pâteuse, mais finalement, devant tant d'autorité, le roi d'Egypte et son peuple n'ont plus qu'à s'incliner. accomplit son devoir avec persuasion. Le ténor , qui chante Aménophis, n'est pas exactement l'archétype du ténor rossinien, et le peu de vocalises qu'il doit chanter est mal articulé, l'émission est toujours en force, son personnage est monolithique, mais sa voix est égale sur toute la tessiture et il est attentif aux nuances. , que l'on entend souvent dans un bel canto très propre, ne dément pas sa réputation, et c'est sans surprise qu'elle atteint un niveau d'excellence, capables de piani somptueux et d'aigus péremptoires. , qui incarne la mère de Sinaïde, est dans un rôle qui lui convient parfaitement bien, soprano lyrique maîtrisant de bout en bout toute l'étendue de sa tessiture. Les chœurs sont excellents, malgré la difficulté de maintenir une compréhension du texte au fil de l'opéra, et c'est souvent que l'on entend quelques syllabes bien étrangères à la prosodie française. Mais nous nous devons d'être cléments, car il faudrait attendre, pour formuler des critiques sur la prononciation, que les opéras français soient joués en France. Nous nous contenterons très certainement pendant longtemps encore de productions étrangères qui donnent des leçons d'excellence aux directeurs de théâtre français.

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