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Simon Boccanegra, l’efficacité théâtrale au service de la musique

Pour cette nouvelle production de Simon Boccanegra, le metteur en scène Dirk Opstaele est resté fidèle au principe de chacune de ses créations théâtrales : l'intégration des différents modes d'expression artistique dans un tout harmonieux et soigneusement paramétré.

Il refuse catégoriquement tout ce qui relève de l'anecdotique. Les costumes sont intemporels, et le décor nu : seuls des panneaux mobiles sculptent l'espace scénique et régissent les entrées et sorties des personnages, comme autant de tours de passe-passe, permettant à l'occasion des effets saisissants comme lorsque les murs se referment sur Paolo à la fin du premier acte. Pas de lettres, pas de poignards : les accessoires sont absents, ou plutôt mimés sans que la crédibilité et la lisibilité de l'intrigue en souffrent. L'essentiel est ailleurs : c'est la vérité théâtrale brute que le maître d'œuvre du spectacle a décidé de nous révéler, dès le symbolique lever de rideau, en s'appuyant sur une direction d'acteurs inspirée qui souligne les caractères avec une étonnante acuité. Les scènes de foule sont élégamment traitées, avec un soin très chorégraphique mais aussi avec une certaine distanciation, à la mode antique. Le dépouillement scénique ne tient ici ni du souci d'économie, ni du cliché moderniste : il permet de concentrer l'attention du spectateur sur le caractère et les sentiments de chacun des protagonistes. Le pari est risqué, mais il est parfaitement relevé, grâce à la profondeur et à la clarté de la vision du maître d'œuvre, mais aussi à l'investissement sincère de tous les artisans d'un spectacle qui capte l'attention sans aucun artifice et souligne avec force et pertinence les intentions du livret.

La réussite de ce spectacle tient aussi à sa partie musicale, sous la direction de , dont nous savons les affinités verdiennes depuis notamment de remarquables représentations d'Un bal masqué : coloration juste, rythmique précise et savant usage du rubato concourent à une lecture chaleureuse, animée sans être jamais tapageuse, attentive aux chanteurs sans sacrifier l'architecture d'ensemble. Les musiciens de l'Orchestre National des Pays de Loire profitent de l'aubaine pour confirmer leur excellent niveau. La distribution vocale n'est pas en reste, à commencer par Wojtek Drabowicz qui, dans le rôle titre, impose un portrait intériorisé et convaincant du doge, auquel il apporte autorité et noblesse, à défaut parfois d'italianité. Mariana Panova campe une belle et très musicale Amelia, en dépit d'une certaine fixité dans l'aigu mais avec un timbre de la plus chatoyante étoffe. Avec un Fiesco de haute stature et au grave profond, succédant à ses Walter liégeois et Ramfis bordelais, clôture une remarquable saison verdienne. offre à Adorno des accents ensoleillés et, avec une discipline vocale que nous ne lui avons pas toujours connue, dessine un séduisant portrait du juvénile et ardent patricien. Paul Kong chante scrupuleusement Paolo, et compense l'absence de noirceur du timbre par un réel engagement scénique.

Cette admirable réussite d'ensemble, généreusement saluée par un public enthousiaste, met un terme à une saison remarquable : de l'Elektra inaugurale illuminée par une exceptionnelle à la passionnante expérience de décentralisation opératique menée avec l'Enfant et les Sortilèges, en passant par une jubilatoire Etoile passée au prisme de la fantaisie d' et une Flûte enchantée réinventée par le tandem Caurier et Leiser. Décidément, la province lyrique porte de belles couleurs …

Crédit photographique : © DR

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