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Trois Magnificat

XIIe Musicales en Auxois

Les Musicales en Auxois, c'est déjà une longue histoire…(on peut se reporter à l'article de notre ex collaborateur P. A. Pham, rendant compte de la XIe édition de ce festival (Lire l'article), et c'est encore l'Histoire, en filigrane : terre, certes bourguignonne mais de passé gallo-romain, adossée au Morvan du Mont Bibracte jusqu'au site d'Alésia (Alise Ste Reine), de Châteauneuf à Semur et jusqu'aux confins de l'Yonne, l'Auxois évoque l'art de la guerre …mais aussi ceux de la table, et la musique y tient aujourd'hui une bonne place. Après une ouverture vénitienne à la collégiale de Thil, le 2 Août, et juste avant une « soirée chez le Prince Esterhazy », au château de Commarin, le 5 ou l'évocation des « enfants de Mozart en concert » au théâtre de Semur-en-Auxois, le 6, les Musicales nous convient ce soir à l'écoute de trois Magnificat du répertoire baroque par l'ensemble lyonnais Le Concert de l'Hostel Dieu. C'est à son chef – enfant du pays – , qu'est confiée, cette année encore, conjointement avec le flûtiste Patrick Rudant, la direction artistique de cette XIIe édition.

Le cadre retenu pour le concert n'est autre que ce haut lieu de la chrétienté, sur le chemin de Saint-Jacques, qu'est la basilique Sainte-Marie Madeleine de Vézelay ; un concert qui peut se poser, en quelque sorte, comme une avant-première – de classe – aux réputées plus prestigieuses Rencontres Musicales de Vézelay de la fin du mois.

Intéressant se révèle le choix d'un Pachelbel, en « entrée », ne serait-ce que pour nous rappeler que ce musicien ne fut pas seulement l'auteur du fameux Canon et de multiples pièces d'orgue, souvent austères. Ce Magnificat en ut majeur, l'une des quelque onze versions qu'il ait composées pour chœur, voix solistes et formations diverses (ce qui peut sembler étonnant de la part d'un luthérien « bon teint »), ce Magnificat-là, dans le style concertato italien fait souvent songer à Vivaldi, quand l'éclat des trompettes le dispute aux envolées du chœur – à cinq voix – et aux interventions richement ornées des solistes ; lesquels présentent un plateau vocal remarquablement homogène et des plus convaincants (mais nous y reviendrons).

Sans nous lancer dans un commentaire détaillé de l'interprétation des trois œuvres (ce qui deviendrait bien vite fastidieux), soulignons cependant la belle réussite globale des musiciens lyonnais, instrumentistes et choristes. Mais un chœur dont on dira, à sa décharge, qu'il fut malheureusement (et une fois de plus) défavorisé par l'acoustique particulière du lieu (si haut soit-il…trop haut, justement !), quand en retrait des deux immenses piliers qui l'encadrent, se dilue quelque peu vers la voûte ( ?) la netteté d'articulation dans les passages fugués et les phrases vocalisées, de même que semblera périlleuse la mise en place dans certains numéros de tempo lent, tel l'Andante molto (Et misericordia ejus) du Vivaldi ou le début du Gloria patri du Magnificat de Bach. veillant toutefois au grain, et sa direction précise, ferme, attentive mobilisant son monde, les décalages sont tout à fait minimes et ne pénalisent pas une prestation d'ensemble de haute qualité. Une qualité particulièrement bien défendue par un plateau de solistes remarquable :

Les deux jeunes sopranos Marina Venant et Léticia Giuffredi, aussi charmantes de physique que de voix, font que, par exemple, nous regrettons la brièveté du duo Esurientes implevit bonis de Vivaldi ! Et le jubilatoire Et exultavit de Léticia Giuffredi n'a d'égal que l'exquis Quia respexit de sa partenaire Marina Venant dans Bach. Elles en feraient oublier les Elly Ammeling et autre Barbara Schlick susceptibles de hanter nos mémoires. Quant à l'alto masculin , au timbre admirable, il semble sorti tout droit de l'Ecole anglaise (alors qu'il n'en est rien) et nous rappelle un Paul Eswood de naguère. Saluons aussi la belle prestation de la basse , de parfaite émission dans tous les étages du registre, de même que l'étonnante aisance du ténor « vétéran » (comme le temps passe !) , dont l'articulation et les vocalises, même si elles n'atteignent plus tout à fait la perfection et le brio de ses années Herreweghe (entre autres), n'ont rien perdu de ce métier affirmé et exemplaire qu'il a toujours montré.

L'ensemble instrumental n'est pas moins digne d'éloges, si l'on veut bien passer sur les deux infimes notes « accidentelles » du hautbois dans l'accompagnement du Quia respexit (Bach ; mais on connaît la redoutable difficulté de l'instrument) ; avec une mention spéciale aux trompettes – excellentes – ainsi qu'aux cordes, dans leur ensemble.

C'est, au final, un moment musical d'une grande et belle spiritualité, en parfaite harmonie avec l'impressionnant édifice de La Colline Inspirée que ces interprètes auront offert à un public aujourd'hui plus que jamais fidélisé et conquis, pour la plus grande satisfaction des organisateurs, l'Association Culturelle en Auxois, et tout particulièrement sa sympathique et dynamique présidente Annick Riquet. D'autres concerts (jusqu'au 14 août), en des lieux patrimoniaux toujours gratifiants, attendent le mélomane festivalier. Ainsi, une soirée Purcell, le jeudi 10 août, au château de Bussy-Rabutin, par l'ensemble Céladon, ou encore cette messe médiévale de Las Huelgas, par l'ensemble vocal féminin Kantika, en l'église de Flavigny-sur-Ozerain (et qui devrait donner lieu à chronique sur notre site).

Pour des informations plus complètes, consulter le site

Crédit photographique : © Edouard Bailly

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