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XIe festival « Musicales en Auxois »

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Région Bourgogne (2)

Le projet culturel des Musicales en Auxois dépasse les enjeux habituels d'un événement musical. Certes il y est question du renouvellement d'une programmation centrée sur le baroque et le contemporain. Mais mis en perspective avec les conditions sociaux démographiques propre à l'Auxois, l'art vivant permet d'y envisager différemment la vie locale. C'est qu'implanté depuis plus de dix années à présent, il va à l'encontre des pratiques ordinaires d'autant que la musique classique est loin d'y être une évidence, reconnue, acceptée. Dans une zone où la désertification se confirme et la densité de population atteint l'un des niveaux les plus bas de l'Hexagone, dans un pays où les communes rechignent encore à travailler ensemble, l'entreprise tient même du défi. Un défi qui tient son cap. Constat inimaginable dans un site à la nature généreuse, aux vallons presque toscans, situé à 2h30 en voiture, de Paris et de Lyon!

Pertinent, isolé, le festival pose la question de l'essor de la culture vivante en milieu rural. Comment s'implanter et se développer? Comment aller à l'encontre de l'isolement ambiant : inviter les gens du cru à sortir de chez eux, rompre avec leurs habitudes, oser l'expérience vitale du « vivre-ensemble »? Le projet se rapproche de celui du festival Musique et mémoire, manifestation musicale située aux pieds des Vosges, et qui est aussi le sujet de nos parcours de l'été. Mais ici, les moyens financiers y sont plus réduits. Serait-ce qu'en dehors des pôles plus connus de Beaune ou de Vézelay, les politiques s'obstinent à ne rien concevoir ailleurs? Et surtout pas en dehors des villes importantes? Dijon est à quelques 50 km.

Pourtant, l'ambition du directeur artistique, s'inscrit légitimement au sein des efforts pour la valorisation du patrimoine (lire ici notre entretien) D'autant qu'en dehors des plaisirs du plein air qu'offre le parc du Morvan, et les produits de la production viticole, le principal attrait de la région demeure la pierre et le génie décoratif des bâtisseurs : le territoire regorge de châteaux classés et d'églises de première valeur… Bussy-Rabutin, en passe d'être racheté par la Région ; Bazoches, le château de Vauban, ou Bourbilly, berceau de Madame de Sévigné, parmi de nombreux autres. On y a même inventé une « route des ducs de Bourgogne » qui est pour les monuments historiques locaux ce qu'est « la Vallée des Rois » pour les châteaux de la Loire… De sorte que l'architecture associée à la culture vivante semble être l'avenir de l'Auxois. A condition cependant que les acteurs concernés, politiques et associations relais, professionnels du tourisme et population trouvent enfin leur partition pour jouer de concert. « Depuis notre première édition, nous gardons l'espoir d'obtenir enfin un sponsor. Organiser un tel festival pendant l'été, après Beaune et avant Vézelay, est une offre unique pour les habitants et les visiteurs nombreux à cette époque. La qualité de la programmation, le niveau des artistes invités, souvent de jeunes talents, nous ont assuré un noyau de fidèles. Mais la musique classique reste dans notre pays, un pari ; à chaque édition, rien n'est joué d'avance. Il faudrait que nos soutiens se développent et que nos partenaires, en particulier politiques, comprennent combien notre action est vitale en milieu rural », précise Annick Riquet, présidente de l'association organisatrice. Les Musicales en Auxois apportent ainsi une offre pertinente en permettant lors des concerts, l'accès à des lieux non ouverts à la visite. Cette année, le concert de l'ensemble Céladon (9 août) permet de découvrir les écuries du château de Commarin. Mais la réussite de l'offre culturelle tiendrait-elle à l'inventivité des producteurs soucieux de préserver le sentiment de la découverte?

Stradella ressuscité à Vitteaux

C'est assurément ce qui s'est passé lors de notre venue quand nous assistions au concert de ce samedi 6 août dans l'église Saint-Germain de Vitteaux.

Le directeur musical du Concert de l'Hostel-Dieu avait déplacé ses troupes lyonnaises pour y donner plusieurs partitions inédites d'un compositeur totalement oublié, Alessandro Stradella (1639-1682). Au programme, plusieurs extraits d'ouvrages lyriques « il nuovo Giasone » (1671), de « La Susanna » (1681) et de quelques autres airs et cantates dont « la Bellissima Speranza », qui donne le titre du cd récemment paru chez Ligia Digital et qui a été enregistré en avril dernier dans la même église (critique du cd à venir sur Resmusica. com).

La vie de Stradella aurait pu être écrite par Alexandre Dumas. Et le directeur du Concert de l'Hostel Dieu n'a pas hésité à lire entre chaque pièce, un extrait de cette vie effrénée où le musicien dut fuir Rome avec son élève chanteuse pour finir assassiné à Gênes! Course, amour et tragédie.

Exprimer une musique qui est à la mesure d'une telle destinée, n'est pas gagné. Aussi le chef s'est entouré des meilleurs instrumentistes, en particulier le violon de et le violoncelle d'Etienne Mangot ciselant un continuo poétique, d'une très belle assise rythmique. Mais il faut aussi une sensibilité particulière pour restituer l'univers sonore d'un compositeur raffiné qui ne manque pas d'étonner et de surprendre par une recherche souvent imprévisible des climats harmoniques. L'étrangeté voisine avec les fulgurances fantasques.

Plus exceptionnelle, la clarté de la ligne vocale qui projette l'articulation du texte. Défi relevé grâce aux deux voix réunies par , qui ont dévoilé une attention jubilatoire. s'y révèle d'une grande aisance : intensité des accents, clarté du timbre, souffle contrôlé, incantation dramatique tour à tour exaspérée ou murmurée. A ses côtés, la jeune basse était un partenaire indiscutable : cohérence des registres de la voix, émission égale, souplesse des passages et des intervalles, articulation idéalement accentuée. Si l'on sait que les voix de basses étaient à l'époque aussi prisées que les castrats, le chanteur nous en donne la raison : son « Ma pur Favello indarno» montre à quel point la ligne vocale habilement tenue et articulée sait traverser le labyrinthe d'une écriture extrêmement contrastée. La projection souple du texte y est idéale. Un talent à suivre. En début de programme, leur duo initial, Didon et Enée de Campra montrait leur complicité, éclairant là aussi une œuvre injustement méconnue.

Vient de paraître : « La Bellissima speranza » : cantate, duetti e sinfonia d'Alessandro Stradella. 1CD, Ligia Digital (distr. Harmonia Mundi).

 

 

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