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Tout premiers enregistrements de symphonies complètes

Il existe sur Internet un site allemand, Truesound Transfers, dont la cheville ouvrière a pour nom Christian Zwarg. Cet homme passionné d'enregistrements acoustiques consacre son énergie à leur restauration avec une qualité sonore tout à fait exceptionnelle et a déjà édité environ 175 CD-R actuellement disponibles sur demande. La plupart est consacrée à d'anciennes gloires du chant dont certaines sont particulièrement bien représentées : Pasquale Amato (5 CD-R), Fernando de Lucia (4 CD-R), Hermann Jadlowker (5 CD-R), Paul Knüpfer (4 CD-R), Otto Reutter (6 CD-R), Heinrich Schlusnus (18 CD-R), Leo Slezak (15 CD-R), sans compter une « Edison Grand Opera Series » en 6 CD-R, ainsi que les premières tentatives d'enregistrements complets d'opéras (Rigoletto, 1918 ; Il Barbiere di Siviglia, 1918 ; Cavalleria Rusticana, 1909 ; Faust, 1908, avec Emmy Destinn) ou d'extraits (Die Walküre, acte 1 complet, 1913 ; Parsifal, 1911-14).

Parmi toutes les richesses de cette caverne d'Ali-Baba, un disque fait figure d'exception, car d'abord il est consacré exclusivement à l'orchestre, et ensuite on est d'autant plus heureux que Christian Zwarg se soit attaché à le publier, puisque ce faisant – et il l'ignore peut-être ! – il modifie un fait historique : en effet on considère que le 20 novembre 1913 une symphonie fut gravée intégralement pour la toute première fois, à savoir la Symphonie n°5 de Beethoven, par l'Austro-Hongrois , alors qu'en fait auparavant , relativement moins célèbre, avait déjà immortalisé au disque deux symphonies complètes pour Odeon à Berlin, la Symphonie n°94 « La Surprise » de Haydn en juin-juillet 1912, ainsi que la Symphonie n°39 de Mozart en septembre 1912. Ce sont ces gravures rarissimes que nous retrouvons ici sous le label Truesound Transfers.

Mais qui était donc ? Né le 27 janvier 1885 à Emmerich am Rhein, et décédé le 27 octobre 1953 à Berlin, il n'est plus guère connu de nos jours que dans les pays germaniques. Son œuvre embrasse l'opéra (Cœur As, 1913, dont ce CD nous offre l'Ouverture et l'Intermezzo), le Singspiel (Dorf ohne Glocken, 1919), et surtout l'opérette (Der Vetter aus Dingsda, 1921 ; Glückliche Reise, 1932 ; Die lockende Flamme, 1933 ; Die grosse Sünderin, 1935) ; il a également composé un Concerto pour piano, ainsi qu'une Tänzerische Suite pour jazz-band et orchestre. Au juger des interprétations proposées par le disque, celles de Künneke sont évidemment ce qu'elles sont : disposant d'un orchestre très réduit pour les besoins de la captation par cornet acoustique, le compositeur-chef d'orchestre fait tout ce qu'il peut pour soulager ses musiciens agglutinés contre l'ancêtre du micro, et cette promiscuité gêne la mise en place et la précision de certains traits ; mais sinon, comme il est touchant d'encore avoir la possibilité d'écouter ces interprétations qui ont l'enthousiasme de la nouveauté, vestiges de la préhistoire du disque sans lesquels l'enregistrement sonore ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. La gravure de la Symphonie n°94 « La Surprise » (1791) de Haydn est, pour l'époque, étonnamment complète, toutes reprises effectuées sans exception ; par contre, pour des raisons évidentes de durée, elles sont pour la plupart omises dans la Symphonie n°39 (1788) de Mozart. Inutile évidemment d'envisager ici des interprétations dites « authentiques » à la baroque, ce qui n'empêche aucunement ces versions d'encore offrir bien des joies à leurs auditeurs, près de quatre-vingt-quinze années plus tard… En un programme intelligemment proche de la structure d'un concert, ce CD Truesound Transfers offre d'abord d'un autre compositeur bien oublié, , l'Ouverture de l'opéra-comique Le Barbier de Bagdad (1858, dirigé en son temps par ), ainsi qu'une Fantaisie sur Hänsel und Gretel (1893) d', élaborée par Künneke lui-même ; puis viennent les deux Symphonies, et le programme s'achève sous forme de « bis » par les deux extraits orchestraux de l'opéra Cœur As du compositeur – chef d'orchestre, musique pétillant comme du champagne. Nous le répétons, tout ceci constitue un concert particulièrement délectable, et pas uniquement pour qui peut encore apprécier la poésie un peu surannée des enregistrements acoustiques.

Signalons pour terminer que le site Truesound Transfers présente également un projet disponible en téléchargement documentant de manière exhaustive l'ère de l'enregistrement acoustique (1888-1930) pour les labels APGA (Association Phonique des Grands Artistes), Artiphon, Edison (cylindres et diamond discs), Edison-Bell (cylindres), Odeon (inclus son prédécesseur Fonotipia) et Zon-O-Phone.

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