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Lohengrin, première mise en scène de Klaus Maria Brandauer

C'est désormais sûr : l'opéra de Cologne est en train de devenir un haut lieu wagnérien. Après l'aventure du «Ring en deux jours» en avril dernier, la saison 2006/2007 a été ouverte par une nouvelle production de Lohengrin très attendue, puisque le célèbre acteur autrichien s'est mesuré pour la première fois à la mise en scène d'un opéra. Mais, disons-le d'emblée, la réussite était surtout musicale.

au pupitre d'un Gürzenich-Orchester de très grande classe (quelles cordes sublimes !) nous a offert le Lohengrin le plus sensuel, le plus nuancé et les plus transparent qui soit, sans pour autant baisser la tension un seul moment et sans gommer les moments un peu grandiloquents, transcendés par le brillant des instruments à vent. Le Lohengrin de Stenz est d'abord un drame humain, une histoire d'amour et de déception, d'espoir et de méfiance, de séduction et de vengeance. Ce n'est qu'en second lieu que vient l'intrigue des guerriers et des héros. Le chœur aussi, malgré sa puissance vocale admirable, ne se limite pas à lancer haut et fort ses cris de guerre, mais fait preuve d'un art des nuances et d'une diction exemplaires.

Et quelles solistes ! A part un roi sobre et humain, mais court d'aigu (), on aura du mal à trouver une distribution plus homogène. a exactement la voix et l'autorité requises pour le rôle du héraut du roi. Krister St. Hill campe un Telramund fier et hautain, avec un mordant très bienvenu dans le timbre et particulièrement impressionnant dans les nombreux passages aigus. Mais il surprend également par des demi-teintes souvent inattendues. A ses côtés, est une Ortrud fascinante, raffinée et séduisante, dont les dons d'actrice et d'interprète font oublier un aigu très sûr, mais un peu strident. Elsa est chantée par – une prise de rôle. Malgré un stade de grossesse avancée – habilement caché par les costumes – son incarnation frôle l'idéal avec un timbre virginal et lumineux, capable d'exprimer tour à tour la rêverie, la tendresse, l'angoisse et l'hystérie d'Elsa. Reste le chevalier au cygne, interprété par le jeune ténor allemand . Celui-ci est un phénomène, comparable peut-être à . Le timbre est juvénile et cristallin, et l'on n'y trouve à priori aucune couleur wagnérienne. Un Tamino ou un Nemorino, dirait-on après les premières mesures. Et néanmoins, Vogt s'avère vite un Lohengrin tout à fait convaincant. Grâce à la projection idéale d'une voix parfaitement placée et une technique sans failles, il surmonte les difficultés du rôle sans un seul moment de tension. L'aigu est facile et lumineux, les divers pianissimi, piani, mezze voci et diminuendi sont à couper le souffle. Et au troisième acte, Vogt se montre également capable d'authentiques accents héroïques. Tout de même, ce Lohengrin n'est pas le chevalier convenu, mais d'abord un envoyé du ciel, un illuminé – et surtout un être humain, tendre et vulnérable. Le récit du Graal est chanté comme une vision du ciel, l'adieu final est d'une mélancolie à faire pleurer. Et dans tout cela, la couleur très particulière du timbre, confère à ce Lohengrin un air mythique et mystérieux.

Et la mise en scène tant attendue ? Peut-être la façon dont résout le fameux problème du cygne, caractérise-t-elle le mieux l'approche du metteur en scène. Il y a bien un cygne, un cygne très réaliste même, qui précède Lohengrin, mais qui ne tire pas une barque, comme l'indique le livret de Wagner. Il plane plutôt dans l'air, poussé par les bras des choristes. Et Lohengrin entre à pied. Brandauer a voulu éviter les pièges du soi-disant «Regietheater», d'une production «conceptuelle» et moderniste. Mais il n'a pas osé proposer une version conventionnelle, historisante et fidèle à la lettre aux indications de l'auteur-compositeur. Visiblement, il manque d'une idée globale de l'œuvre. Ainsi, il mélange des costumes vaguement moyenâgeux et des vêtements modernes, des rochers style Wieland Wagner sont entourés de structures en béton et métal. Quelques détails mis à part, cela ne se heurte ni le livret ni la musique – et le manque d'originalité aurait pu être compensé facilement par une direction d'acteurs variée et poignante. Mais pour cela, Brandauer manque d'expérience. Certes, il y a des scènes de grande tension dramatique. Mais à côté, l'on trouve des moments bien longs où rien ne se passe sur scène, où choristes et solistes se limitent à chanter face au public sans bouger.

Le public à la fin a salué la performance musicale par une authentique ovation, alors que l'accueil pour Brandauer a été très mitigé.

Crédit photographique : © Klaus Lefèbvre

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