- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Drame à huis clos pour Rigoletto

C'est dans un cabinet de scientifique aux murs tapissés de livres que le duc de Mantoue ausculte son bouffon Rigoletto dont il mesure la bosse…

Là viendront tour à tour se placer l'habitation de Rigoletto, puis les maquettes des immeubles de la ville et enfin la barque où semblent vivre Sparafucile et sa sœur Maddalena. Ces choix surprennent un instant à chaque lever de rideau, avant de fonctionner à plein. Un cabinet d'expérimentation pour un duc despote pour qui la vie de ses sujets est sans valeur. Des miniatures des immeubles de la ville, système qui permet aux courtisans d'expliquer au duc la façon dont ils ont enlevé Gilda. L'habitation de Sparafucile et Maddalena dans une barque posée sur l'eau, puisque nous sommes tout près du fleuve, et, visuellement, une réussite. Enfin autre chose que ces décors hideux de carton-pâte dont ne semblent pas pouvoir se passer de nombreuses productions de Rigoletto. D'emblée nous sommes happés dans l'univers sombre que construit l'intelligente mise en scène d', bâtie sur un décor élégant et ingénieux. La mise en lumière habile de participe à la création d'un univers clos où peut naître un drame touchant et profond. Ces lumières talentueuses mettent en valeur les beaux personnages composés par et Sylvia Hwang, sur qui repose le spectacle.

L'interprétation de est captivante. Cet excellent baryton verdien sait être des plus solides vocalement tout en restant particulièrement touchant. Son jeu sensible et l'art de ses nuances lui permettent de composer un bouffon magnifique, crédible et émouvant en particulier lors de son duo avec Gilda, et lorsqu'il implore les courtisans dont il se moquait autrefois afin d'obtenir que sa fille lui soit rendue. Sylvia Hwang, délicate Gilda, superbement costumée par , possède un bel aigu, encore à peine instable, et une grande musicalité. Sa petite stature la rend plus fragile encore et attachante, perchée en haut d'un escalier pour son Caro nome. Ces deux interprètes de grande valeur offrent au public un acte II sublime de bout en bout. A leurs côtés, est un duc de Mantoue un peu en retrait et monochrome. Il s'améliore toutefois en cours de soirée et rattrape son Questa o quella faible par un La donna è mobile puissant sinon virtuose. Les seconds rôles sont dans l'ensemble de moindre niveau, exception faite de la basse profonde de Vladimir Matorin.

assure une bonne cohésion à l'orchestre de l'Opéra de Marseille. Sa direction est douce et sobre là où la tradition nous a habitués aux grands éclats. Elle se marie admirablement avec le travail d', et permet de se concentrer sur le drame intime d'un père et de sa fille plutôt que dépeindre une fresque historique. Des choix qui inscrivent Rigoletto dans la trilogie populaire verdienne – aux côtés de la Traviata et du Trovatore –, le récit de drames humains et non vers le grand opéra alla Nabucco.

Crédit photographique : © Christian Dresse

(Visited 230 times, 1 visits today)