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Festival des années 1950 avec Les Caprices de Marianne

La représentation des Caprices de Marianne inaugure un « Festival années 1950 », dont les spectacles vont s'étaler sur un mois. Le Duo Dijon renouvelle ainsi son répertoire et espère en même temps aiguiser la curiosité d'un public qui a assisté en masse à Carmen et à La Traviata.

Même si les œuvres présentées durant ce mois ne sont pas toutes vraiment datées des années 1950, elles ont été choisies en fonction de certains critères. D'abord établir des ponts entre le Théâtre de Bourgogne et la scène du Duo : la collaboration entre Olivier Cantarella et le Duo ayant remporté tous les suffrages, par exemple avec Werther de Massenet, on souhaite insister sur la transposition de pièces de théâtre sur la scène lyrique. En second lieu, le Festival mettra l'accent sur les préoccupations tant esthétiques que sociales ou politiques du milieu du XXe siècle : la contestation poétique du jeune Léo Ferré illustre aussi ce monde « sans fil à plomb ».

Les formations musicales présentées sont assez réduites et on cherchera à favoriser une relative intimité avec le public : certaines soirées se déroulent sur le plateau de l'Auditorium, les spectateurs s'installant tout autour de l'espace scénique. On cherche aussi à leur faire découvrir des œuvres peu jouées, comme Les Caprices de Marianne, voire inédites comme les mélodies d'. Le Duo a aussi l'ambition de tendre la main à des partenaires expérimentés : l'Opéra de Lyon et l'Orchestre des Pays de Savoie produisent ainsi Signé Vénus de Kurt Weill, tandis que le Duo et l'Opéra de Fribourg co-produisent Le Medium de Giancarlo Menotti et Le pauvre Matelot de , et que le CNSM de Paris envoie ses pianistes pour le Récital à deux pianos.

Le Festival présente ainsi quatre spectacles lyriques : Les Caprices de Marianne, les 23 et 24 janvier 2007 et les 18, 21 et 22 février ; Le Medium de Giancarlo Menotti et Le pauvre Matelot de , les 4 et 6 mars ; Le brave Soldat Schweik de Robert Kurka, les 8 et 9 février, et Signé Vénus de Kurt Weill, les 16 et 17 février. Le programme prévoit aussi deux récitals pour voix et piano, Graine d'ananar, chansons de Léo Ferré, le 15 février, un récital de mélodies d', le 20 février, et enfin un récital pour deux pianos par Lidija et Sandra Bizjak, le 3 février.

Les Caprices de Marianne, opéra-comique au fond assez cruel, a été créé à Aix-en-Provence en 1954. , de son vrai nom Jean-Pierre Poupard (Bordeaux 1901, Paris 1989), avait écrit le rôle de Marianne pour Lily Pons, grande soprano colorature, mais au dernier moment celui-ci fut interprété par Gabriella Sciutti. Le compositeur avait d'abord été l'élève de (1879-1957), lui-même élève de et comme lui attiré par la musique populaire française. Il fut ensuite à Paris l'élève de Charles Kœchlin (1867-1950), maître hautain et rigoureux dont il retint les leçons, par exemple dans le domaine de la polytonalité, ce qui est parfois sensible dans l'œuvre présentée. Mais Henri Sauguet est surtout connu pour avoir fait partie de « l'Ecole d'Arcueil » qui l'associa à Max Jacob, Roger Desormière et Henri Cliquet-Pleyel dans une amitié commune pour . Il fut aussi un célèbre compositeur de musiques de films, comme celle de Premier de cordée de Louis Daquin (1943) ; mais il est aujourd'hui surtout connu pour sa musique de ballets, comme celle de La Chatte (1927) ou des Forains (1945). Ce compositeur qui a reçu une formation typiquement française est resté sourd aux sirènes de la musique sérielle. Il aime le raffinement des tournures modales héritées du folklore, il a un solide métier dans le domaine de l'orchestration et de l'harmonie et il aime avant tout la mélodie.

Ces qualités sont particulièrement visibles dans la partition des Caprices, qui est un parfait reflet des tendances stylistiques et des traditions françaises de la première moitié du siècle, par son élégance, sa clarté et par les belles sonorités qui y valorisent l'orchestre. Ce qui a un peu vieilli est le parti pris du tout mélodique adopté pour les voix. L'écriture lyrique apparaît parfois inutilement acrobatique ; cependant il faut souligner que les chanteurs savent nous laisser en ignorer les difficultés. Le livret de n'est pas toujours aisé à faire passer, mais les interprètes se débrouillent bien avec ce langage orné : le deuxième acte est tout à fait remarquable.

Eric Pérez a eu l'excellente idée de prévoir la représentation sur le plateau, car la proximité avec les chanteurs apporte beaucoup à la perception de l'œuvre. Nous comprenons mieux les jeux de l'amour de cette jeunesse qui s'illusionne sur la vie, et bien sûr nous pensons aux Tricheurs, le film choc de Marcel Carné (1958). Les costumes et les jeux de lumière sont tout à fait adaptés au déroulement du synopsis : la première apparition de Marianne en vierge rose auréolée de cristal au sommet du praticable contraste avec l'humanisation qui s'opère au second acte, quand elle se dépouille de sa cape et se montre alors désirable et fragile.

La direction musicale de sait se faire d'abord légère et primesautière, puis dramatique dans le second acte. Bref c'est une œuvre qui mérite d'être découverte, surtout dans cette production fort réussie.

Crédit photographique : © Duo Dijon

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