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Fantastique cycle Haendel au TCE

Troisième opéra de Haendel et son premier opéra italien, Rodrigo fut vraisemblablement composé durant l'été 1707 pour être représenté à l'automne.

Le titre véritable est Vincer se stesso è la maggior vittoria (Se vaincre soi-même est la plus grande des victoires) vers chanté au final par le personnage d'Esilena. Le livret est anonyme, écrit d'après Il duello d'amore e di vendetta de Francesco Silvani. L'action se passe en Espagne au VIIIe siècle, sous le règne du dernier roi wisigoth, Rodrigo. Celui-ci a abandonné son épouse Esilena pour séduire Florinda et lui donner un enfant. Le combat de l'amour et de la vengeance est celui qui oppose Esilena qui aime toujours Rodrigo, jusqu'à proposer de céder sa place à Florinda afin d'éviter tout affrontement et sauver l'honneur de son mari, à Florinda qui veut se venger, en s'appuyant sur son frère Giuliano et sur Evanco, prince légitime détrôné et amoureux d'elle. Le sujet a déjà donné lieu à de nombreux opéras à la fin d'un XVIIe siècle fasciné par un Moyen-âge épique et mythifié. Ce premier dramma per musica haendélien présente de nombreuses pièces qui seront reprises ou développées dans la production postérieure du compositeur.

Jamais repris du vivant du compositeur, Rodrigo sombra vite dans l'oubli jusqu'à sa redécouverte que l'on doit à Alan Curtis en 1984. Al Ayre Español le jouait pour la première fois en France. Eduardo Lopez Banzo, qui mène un travail de redécouverte du répertoire baroque ibérique, donnait avec son ensemble un Haendel de la période italienne, mais s'inspirant de l'Histoire espagnole. Attentif à soutenir les solistes, il offre une lecture aux tempi aérés, avec par exemple une ouverture aux attaques particulièrement mœlleuses. Enfin un ensemble baroque qui ne confond pas virtuosité et vélocité effrénée et ininterrompue ! On admire en particulier les instrumentistes à cordes et la fraîcheur de l'ensemble.

a réussi une double performance : elle remplaçait Vivica Genaux au pied levé et a dû pour ce faire apprendre le rôle en très peu de temps. Pour cette prise de rôle, la mezzo est annoncée souffrante. De fait, elle tire avec aisance son épingle du jeu. L'entrée en scène est discrète et le volume piano pour l'air « Occhi neri » qu'elle exécute avec finesse, presque a capella. Elle ne tarde pas à trouver ses marques dans le rôle-titre et fait en particulier une belle démonstration de l'art du récitatif. est très heureusement distribuée. Sa voix saine et puissante rend justice au beau rôle d'Esilena. Elle domine sans mal l'ensemble de la distribution et fait preuve à la fin de l'acte I d'une longueur de souffle impressionnante. Quelques notes presque criées lui sont aisément pardonnées au vu de l'ensemble de la prestation. Plus d'une fois en difficulté, apparaît tendue. La voix a ses défauts, elle est un peu mince, mais aussi ses qualités, dont un bel aigu agile qui nous assure un superbe « Fredde ceneri d'amor » au II. Kobie van Rensburg, familier du rôle, est un Giuliano très apprécié, qui brille lors de chacun de ses airs, en particulier dans « Là ti sfido » au II. Du conspirateur fougueux au sage régent, il réussit une excellente composition. vit réellement son personnage d'Evanco et ajoute la musique ancienne aux nombreuses cordes de son arc. Un essai à transformer. Enfin, , doté d'une voix délicate et sans maniérisme tient fort bien son court rôle. Une découverte primordiale et magistrale.

Crédit photographique : © DR

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