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Le Nozze di Figaro à Lyon : à quoi bon ?

A quoi bon ? A quoi bon prendre et reprendre cet opéra pour n'en faire qu'une « autre » représentation de la comédie de Beaumarchais ? 

A force de démeubler les scènes de leurs décors, de leurs accessoires, de leurs poétiques ambiances, de reconsidérer la caractérisation des personnages, d'occulter les raisons profondes qui ont conduit écrivain, librettiste et compositeur à la création de cette œuvre, déshumanise l'essence de la farce acide de cette folle journée.

En 1885, George Bernard Shaw avouait déjà qu'il était de tradition de jouer l'ouverture des Noces de Figaro en « moins de trois minutes et demie ». Avec une volonté évidente de battre un record, ouvre les feux à cent vingt kilomètres à l'heure, pendant qu'un Figaro excité guide trois déménageurs portant un fauteuil bergère pour finalement le déposer sur un plateau de scène de quelques mètres carrés qui servira à toutes les scènes jusqu'au dernier acte. Aux abords de cet espace, des chaises renversées semblent avoir été disposées au seul but de meubler l'ouverture de scène de l'Opéra de Lyon. Elles seront finalement disposées autour d'une inutile table descendue des cintres, dressée pour un banquet autour duquel personne ne s'attablera. Transposant l'intrigue aux Etats-Unis, n'amène strictement rien à l'esprit de la pièce de Da Ponte. De plus, il oublie que dans les principes constitutionnels Etats-Uniens, les titres de noblesse sont interdits. Que viennent donc faire là ce Conte et cette Contessa entourés de militaires de West Point ?

Les décors suggérés de Tom Pye veulent se référer à un théâtre de modernité où les portes sont manipulées par les acteurs dans des gestes de mime soulignés par des bruitages de serrures qui parasitent la musique quand ils ne l'interrompent pas. Autre inutilité dans cette comédie où « la-seule-porte-qui-claque » est la scène du fauteuil où Susanna cache tour à tour Cherubino et le Conte.

Malgré ce travail inabouti d', certaines scènes pourtant révèlent son habileté comme dans la scène du déguisement de Cherubino en femme. Dommage que ces moments inspirés ne se poursuivent pas tout au long de l'opéra. A sa décharge, par manque d'expérience, la plupart des chanteurs n'ont pas laissé beaucoup d'espace pour une direction d'acteurs fouillée, voire pour une certaine « politisation » du propos de Beaumarchais.

Musicalement, si l'Orchestre de l'Opéra de Lyon brille de subtilité sous la baguette du jeune et prometteur chef et si la partition de Mozart éclate splendidement sous ses doigts, sa jeunesse l'entraîne parfois vers des excès sonores forçant les chanteurs à donner de la voix au détriment de la joliesse de leurs instruments. Ainsi, (Susanna) se surprend à souvent crier son chant alors qu'elle possède une très belle voix quand elle s'exprime sans la forcer comme dans son « Deh, vieni non tardar » du dernier acte. Même sentiment pour la basse (Figaro) qui outre de souffrir d'une articulation déplorable de la langue italienne offre un très senti « Aprite un po'quegl'occhi ». De son côté, le baryton (Conte Almaviva) domine avec aisance le plateau vocal. On pourra regretter son personnage quelque peu fruste qui mériterait d'être plus subtil dans sa séduction. Si la soprano Julianne Banse (Contessa Almaviva) possède toutes les notes du rôle, elle n'a pas pour autant la rondeur vocale idéale au personnage. Sa Comtesse gagnerait à être libérée des certaines notes dont l'acidité s'avère dérangeante. Très beau et très complet personnage que celui de la mezzo-soprano Tove Dahlberg (Cherubino). Excellente actrice, elle est un Cherubino de grande facture. L'aisance garçonne, la vocalité contenue, ses interventions sont un régal de justesse et de fraîcheur.

Crédits photographiques : © Alain Franchella / Bertrand Stofleth

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