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La Dame de Pique par Guennadi Rojdestvensky : sur le carreau

Quand Guennadi Rojdestvensky suit qui prend la main pour La Dame de Pique, le spectateur est en droit d'espérer un spectacle de qualité, original et enlevé.

D'autant que le plateau de chanteurs ne peut que retenir l'attention et inciter à la curiosité. Pourtant, dès les premières minutes, musiciens et chanteurs-acteurs vont globalement décevoir les attentes et espérances.

D'abord, la mise en scène. Originale, certes. Qui part d'un concept intéressant : la folie, à laquelle se réfère Hermann à plusieurs reprises dans le livret de Modest Tchaïkovski. Sans hésitation aucune, nous transporte grâce à (à cause de, plutôt !) David Borovsky dans un décor dénudé qui fait clairement référence aux chambres d'hôpital des malades mentaux, errant en camisole. Aucun romantisme exacerbé, c'est le moins que l'on puisse dire, car aucun romantisme tout court ! Dodin va jusqu'à confier des répliques d'un rôle à un autre rôle pour mieux servir son concept. Tchaïkovski mis à mort ! Relevons quand même la prestation de Galouzine en Hermann tiraillé, indécis, perturbé et fou. Ses mimiques ne trompent pas. Ce dérangé dérange d'ailleurs plus qu'il touche vraiment. C'est sans doute l'un des objectifs du metteur en scène. Dommage. Et cette absence de romantisme perdurera : l'opéra entier sera amputé d'une fibre si importante et inhérente au musicien russe. Un vrai sacrilège !

Ensuite, l'orchestre. Guennadi Rojdestvensky s'enlise dans un tempo beaucoup trop lent, qui, allié à l'indigence de la mise en scène, suscite l'ennui chez le spectateur. L'orchestre sonne, pourtant, équilibré. Mais cela ne suffit pas à retenir l'attention de manière soutenue. Heureusement que les différentes références stylistiques musicales (musiques russes ou autrichiennes du XVIIIe, avec des références à Mozart par exemple, ou encore des allusions à Bizet ou l'emploi du Leitmotiv hérité de Wagner, etc. ) diversifient le discours musical qui n'avance pas. Dommage, encore, encore une fois !

Enfin, la prestation des chanteurs. Peut-être l'aspect le plus discutable mais le moins décevant du spectacle, de manière générale, avec celle des chœurs, à retenir. Même si certains critiques leur trouvent des défauts, pour ma part, je trouve que offre un Hermann impressionnant. Peut-être le préfèrerait-on plus déchiré que perturbé, à l'instar de sa prestation de 1999 tandis que montre une Lisa touchante, dramatique, avec une voix riche de somptueux mediums ; Irina Bogatcheva incarne une comtesse inspirée avec une réelle présence. A noter, plus particulièrement, la très belle prestation, avec une voix superbe, de en Prince Eletski.

Au total, malgré la précision de la caméra de François Roussillon, ce spectacle est à oublier. Dodin doit passer la main. En abattant ainsi ses cartes du côté de la folie, il a mis à mort la Dame de Pique. Pour la dernière fois : dommage(s) !

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