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Thomas Hampson, Macbeth bien esseulé à San Francisco

Si, comme il le dit quelque part, privilégie le psychologisme exacerbé du drame ; si, comme il le dit ailleurs, le couple Hampson-Lukács se doit d'éclairer ce soir tout ou presque, alors pourquoi jouer cette carte, perdue d'avance, d'une production saugrenue, grand-guignolesque et si mal cernée, qui surprend, déconcerte et finalement déçoit ? 

La mise en scène, révisée (!) par , brouillonne, souvent appliquée, dans laquelle descendre un escalier revêt d'emblée une dimension néo-platonicienne (que le spectateur se doit d'appréhender immédiatement sous peine d'être taxé d'idiotisme), s'englue vite dans l'ésotérique (un bien grand mot) et le clinquant. Les décors de , hideux, déroutent.

Un seul exemple… ce cube crûment éclairé, mal agencé, bringuebalant, misérabiliste, qui rappelle ces douches plexiglas surajoutées aux chambres de certains petits hôtels plus ou moins miteux, planté là en milieu de scène, sur lequel Lady Macbeth vous lance son fameux Nel dì della vittoria io le incontrai…, dans lequel elle trouvera la mort, brouille tout repère spatio-temporel, n'éclaire, n'explicite, n'élucide absolument rien et tombe à plat… tout comme ces costumes incongrus, laids, de , tout comme ces éclairages, laids, violents, de . Mille objets hétéroclites, souvent anachroniques, étalés sur scène (machine à écrire, cartables d'écoliers, brindilles) participent eux aussi, de ce Eurotrash qui n'explore finalement que l'irrationnel et le déraisonnable de l'œuvre, distrait le spectateur et le laisse décontenancé. On dira que je n'y ai rien compris ! C'est sûr… Et puis, pourquoi aller chercher à Zurich cette production bien inesthétique alors que l'on sait faire aussi mal ici ? Regardez le DVD, lisez la chronique de Bernard Halter, bien plus civil, bien plus généreux, bien moins insupportable que moi…. Vous aurez peut-être la clé de ce spectacle. Macbeth est un drame qui se joue à deux, intimiste et cruel (Pizzi l'avait si bien compris ! San Francisco 1986. , ).

Ce soir, Macbeth jouera solo. conduit son récit avec maestria… Du Due vaticini compiuti or ono… initial, si bien engagé, au Pietà, rispetto, amore…, si gros de pitiés et de rages, de défis, Hampson compose un portrait fascinant, qui sait dessiner son personnage, en peindre les tourments et les mollesses, en accepter les désarrois. Et la voix, saine et robuste, voire péremptoire, cependant soucieuse des nuances, son timbre chaleureux, approfondissent encore, comme au scalpel, les sentiments (celui de l'horreur, par exemple) jusqu'à ce que, violemment intériorisés jusqu'alors, ils nous explosent en plein visage. Face à ce Macbeth d'anthologie (impulsif, ombrageux, bouillant, ambigu, claquemuré dans un onirisme délirant….. Il en fait presque trop), notre Lady de carton-pâte, unidimensionnelle, ne sait que traduire ces deux ou trois violences expressionnistes d'une femme en totale déroute sentimentale, incapable d'autres sentiments, esquissés, il est vrai, parfois, mais pratiquement inaudibles, avec…. une réjouissante désinvolture !

Tout est ici crié, hurlé, de bout en bout… tout s'effondre dans l'Una macchia è qui tuttora… dans lequel un vibrato totalement incontrôlé désarticule la justesse d'un récit déjà gravement compromis (Pour la petite histoire locale, la Lady de Lukács se mesure à l'aulne de celles de Rysanek, Bumbry, Verrett -inoubliable- et G. Jones). (Macduff), à la voix fraîche et sonore, est un jeune ténor d'excellente pointure qui promet beaucoup et , un très solide Banquo. La direction idiomatique et ferme de , fait sonner l'orchestre à plein.

Crédit photographique : © Terrence McCarthy

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