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« Du spirituel dans l’art », cycle Boulez : sommets du XXe siècle

En 19 jours et 9 concerts Cité-Pleyel (l'organisme qui gère la Cité de la Musique et la Salle Pleyel) invite ce monstre sacré qu'est pour une véritable « carte blanche » allant de Monteverdi à nos jours. Départ tonitruant avec l' dans un programme proposant quatre « visages » essentiels de la musique symphonique du XXe siècle.

Ouvrir un concert par la Passacaille de Webern est risqué. Dans le programme de la soirée, le chef d'orchestre vante les mérites de l' comme un formidable et immense ensemble de solistes. Effectivement, le début de cette œuvre, fait d'impalpables pizzicatos, prouve l'indépendance de chaque musicien. La machine se met peu à peu en marche, la magie commence à opérer au fil des mesures, pour aboutir à une version orgiaque de Chronochromie. Cette partition de Messiaen, probablement la plus austère de son compositeur pour l'orchestre, œuvre charnière (1959/60) entre la période exclusivement consacrée aux oiseaux (Le Merle Noir, Réveil des oiseaux, Catalogue d'oiseaux, Oiseaux exotiques) et sa période « spirituelle » (Sept haïkaï, Couleurs de la Cité céleste, Et expecto resurectionem mortuorum) n'a jamais sonné aussi riche et colorée.

Boulez jouant ses propres œuvres reste un moment rare. Soleil des eaux est comme toutes les œuvres de son compositeur, travaillée et retravaillée. Ce soir était proposée la quatrième version (1968) pour soprano, chœur mixte et orchestre. Sous la direction du compositeur la filiation avec Debussy n'en est que plus évidente : séduction sonore immédiate, clarté de la prosodie du texte chanté (Complainte du lézard amoureux), fluidité du discours musical. Dans la seconde partie (La Sorgue) intervient le travail de Boulez sur la destructuration du texte par une musique bien plus violente, magnifiée par l'excellence des musiciens maîtrisant parfaitement une partition extrêmement complexe.

Les Quatre chants paysans et Noces sont « l'adieu au pays » de Stravinsky à sa Russie natale. opte dans ces deux œuvres pour des tempi lents, privilégiant ainsi le coté psalmodique du folklore inspirateur plutôt que l'aspect rythmique de Stravinsky. Une lecture qui aurait pu être d'anthologie (hélas aucun micro n'était là pour capter l'évènement) mais Noces a dans son écriture un souci intrinsèque d'équilibre sonore. Les percussions placées sur les extrémités de l'avant-scène dominent tout l'espace sonore et masquent plus d'une fois voix et pianos. Dommage car la prestation d' et des quatre solistes surpassait de loin toutes les versions entendues sur Paris ces deux dernières années.

Crédit photographique : © Sabine Matthes

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