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Le Comte Ory, festif avant tout !

Alors que le marché de Noël bat son plein Place Royale, le Théâtre Graslin nous offre une nouvelle production parfaitement adaptée à l'esprit des fêtes de fin d'année.

Le Comte Ory est un ouvrage heureux, sans prétentions, jouant de mélodies charmantes et d'une orchestration joyeuse ; un ouvrage qui garantit le succès d'un spectacle, pour peu qu'on évite la tentation d'une relecture impossible comme celle d'une trivialité grossière. Frédéric Bélier Garcia, récemment arrivé à la tête du CDN Pays de la Loire à Angers, partenaire de cette production, évite ces écueils avec un travail bien mené, témoignant d'un réel professionnalisme, sans réelle originalité mais sans ces fautes de goût qui pénalisent trop souvent l'ouvrage. Il parsème sa production de gags malicieux (l'entrée du Comte Ory portant la croix) mais jamais vulgaires, qui stimulent la fantaisie des chanteurs-acteurs. Pour ce faire, il bénéficie à la fois d'un dispositif scénique habile et spirituel, et de costumes imaginatifs et chatoyants.

L'œil est satisfait, mais c'est l'oreille qui guide notre plaisir, sous la baguette avertie de . Nous l'avions salué, dans ce même ouvrage, il y a cinq ans déjà à l'occasion des représentations messines, pour son sens du contraste et de la dynamique. Il a conservé son élan et encore affiné sa maîtrise de la partition, jouant avec gourmandise des superbes sonorités de l'Orchestre National des Pays de Loire, une nouvelle fois irréprochable, tout en restant extrêmement attentif aux chanteurs. Le chef mène joyeusement tout son effectif à bon port : instrumentistes, chanteurs mais aussi choristes, qui confirment de production en production la qualité du travail accompli par .

La distribution vocale, qui ne comprend que des prises de rôle, s'illustre en premier lieu collectivement par une qualité de diction étonnante, qui rend le sous-titrage absolument superflu ; c'est assez rare pour être souligné. L'expérience se déniche chez les clefs de Fa avec le Raimbaud autoritaire et vocalement sans reproche de , et surtout le Gouverneur de . Quiconque connaît la difficulté extrême de l'air du premier acte, Veiller sans cesse, mesure l'ampleur de la performance : égalité de la voix sur l'ensemble de la tessiture jusqu'aux graves généreusement assumés, juste équilibre entre solidité et agilité, engagement interprétatif à la hauteur de sa prestation dans le Roméo et Juliette de Berlioz la saison passée : un chanteur en pleine maturité, dont la carrière est appelée à rapidement décoller !

Aux côtés d'une Ragonde efficace sans jamais basculer dans la charge, Angers Nantes Opéra, fidèle à sa réputation de découvreur de talents, nous présente trois artistes en devenir. La mezzo est crédible en travesti et joue d'un timbre fruité pour camper un Isolier encore inexpert mais prometteur. Le ténor brésilien joue la comédie avec bonheur, son timbre est plaisant et sa virtuosité incontestable ; il ne lui manque qu'un brin d'explosivité sur les notes les plus hautes pour compléter notre bonheur, mais nous suivrons avec attention ses prochaines prestations. En Comtesse Adèle, la gracieuse québécoise s'impose avec une voix des plus saines, une technique affirmée et une musicalité sans reproche ; la performance vocale est remarquable, en dépit d'un léger durcissement dans le suraigu, mais la performance scénique reste légèrement et pudiquement en retrait par rapport à celle de ses camarades.

Quoiqu'il en soit, c'est un grand plaisir de découvrir l'espace d'une représentation des talents aussi prometteurs, et plus encore d'assister à un spectacle dont tous les protagonistes s'accordent pour nous assurer un divertissement aussi généreux et malicieux.

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