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Il Mondo della Luna, fantaisie onirique

L'Opéra de Rennes aime sortir des sentiers battus et, pour les fêtes de fin d'année, nous propose, – plutôt que la traditionnelle opérette ou qu'un énième Offenbach – une nouvelle production d'Il Mondo della Luna, en association avec Angers Nantes Opéra et le Grand Théâtre de Luxembourg.

Nous tenons personnellement ce dramma giocoso en trois actes, d'une finesse incomparable et d'une poésie absolue, pour le plus abouti des opéras de Haydn, en raison de l'habileté du livret rédigé par un main anonyme à partir de la pièce du génial Goldoni, conciliant humour débridé et grâce féerique, de la fraîcheur de la veine mélodique et des délices de l'orchestration, en particulier dans l'envol de Buonafede ou le prélude du deuxième acte.

s'empare de cette comédie onirique sans artifices mais avec habileté et humour, faisant surgir d'un cadre épuré de belles images poétiques et dirigeant avec soin une sympathique troupe de jeunes chanteurs. Pour souligner la permanence et la subtilité de caractères finement croqués, et favoriser l'empathie entre le spectateur et les acteurs, le metteur en scène a choisi une approche au second degré : pendant l'ouverture, les chanteurs font leur apparition sur scène en tenue contemporaine et se déguisent à vue « pour nous raconter l'histoire dont ils vont être les protagonistes ». Le dispositif scénique, à la fois sobre et imaginatif, souligne par ses tréteaux la thématique du théâtre dans le théâtre. Décors, costumes et lumières concourent à dessiner un Monde de la Lune malicieux et magique. La présence de deux comédiens danseurs (Vincent Coppin et Samuel Vittoz), impliqués dans des tableaux comiques et figurant les serviteurs d'Ecclitico, participe également à la fluidité d'un spectacle joyeux et coloré, qui rend pleinement justice à la finesse de l'ouvrage comme à son côté bouffe.

A la baguette d'un Orchestre de Bretagne en bonne forme, Jean-François Verdier dirige avec allant et précision, dans une optique résolument classique. Il soutient attentivement le plateau tout en soulignant dans la fosse chaque trait d'instrumentation et chaque effet orchestral. Sur scène, l'Opéra de Rennes a réuni de jeunes talents pour former une troupe homogène, engagée et tout à fait à la hauteur des exigences de l'ouvrage. Tous jouent la comédie avec un plaisir non dissimulé, mais aucun ne sacrifie les impératifs du chant.

Un peu vacillant dans son air d'entrée « O Luna lucente », Simon Edwards se reprend aussitôt pour camper un sympathique Ecclitico, meneur de jeu de cette aimable supercherie. La blonde et la brune sont ses gracieuses filles : la première vocalise avec charme et fraîcheur dans « Ragion nell'alma siede », la seconde n'est pas en reste et s'illustre à son tour dans « Quanta gente » puis dans le si délicieux duo du dernier acte. Un peu tendue à son entrée, n'en campe pas moins un gracieux Ernesto et vient aisément à bout des pièges de « Qualche volta ». Louise Callinan a tout l'abattage de la servante Lisetta, tandis que charge avec bonhomie le rôle du valet Cecco, pour l'évident plaisir du public. Nous gardons pour la fin le Buonafede du toujours excellent qui joue les fats avec génie, et domine le plateau par l'homogénéité du timbre et l'ampleur d'un instrument parfaitement maîtrisé.

Excellent accueil public pour tous les acteurs d'une production très soignée qui nous invite à revoir, s'il en était besoin, certains clichés persistants qui freinent la reconnaissance de la production d'opéra de Haydn.

Crédit photographique : DR

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