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Wozzeck par Calixto Bieito, trop osé pour être honnête ?

Enfant terrible du théâtre espagnol, (pour ceux qui l'ont oublié ce scénographe est l'auteur de deux productions « houleuses » de l'Enlèvement au Sérail et de Don Giovanni) se voyait consacré par une co-production entre les deux plus prestigieuses scènes espagnoles : le Liceu de Barcelona et le Teatro Real de Madrid.

Curieusement et alors qu'on s'attendait à une débauche d'effets (et de vulgarités !) ce Wozzeck est relativement sobre. Et l'on regarde sans désagréments cette production qui n'est pas exempte de gratuités comme le docteur qui charcute ses cobayes et une troupe de figurants nus qui débarque après la mort du héros. Bieito et son décorateurs replacent Wozzeck dans un monde industriel post-nucléaire et pollué où la masse informe de la population (non différenciée par ses combinaisons rouges) jure avec le clinquant des gens de pouvoirs à l'image d'un tambour major qui fait étrangement penser à Michel Polnareff…Au fond, on a déjà vu cela : le cadre post-atomique spectaculaire des décors se situe entre le Ring d'Harry Kupfer à Bayreuth et la raffinerie du Trouvère de Robert Carsen à Bregenz. La scénographie est unie, globalement pertinente, mais elle enfonce les portes ouvertes de la déchéance sociale moderne : Wozzeck et Marie vivent dans un container et leur enfant est un mort-vivant qui ne survit que par son assistance respiratoire. Certes, ce n'est pas mal vu, c'est n'est pas dramaturgiquement condamnable, mais à chaque moment, on aimerait quelque chose soit de vraiment neuf, soit de modeste. A ce titre là, le Wozzeck présenté à La Monnaie fait figure de modèle absolu de rigueur et de respect.

Musicalement, que l'on a souvent connu peu convaincant, s'impose comme un Wozzeck majeur par son vécu du personnage, même si le chanteur est peu pris au piège de la tessiture. est une Marie de haut vol, vocalement impériale, mais elle apparaît bien trop belle et luxueuse dans une telle mise en scène. Le reste de la distribution est probant mais sans atteindre des sommets, cependant on se situe dans l'esprit d'une troupe homogène et compétente. Longtemps remarqué pour la faiblesse de certains de ses pupitres, l'orchestre du Liceu est en belle forme. Affûté et précis, il suit avec subtilité la direction inspirée et hautement dramatique de son chef titulaire : .

En bonus, on retrouve un petit documentaire où chef et metteur en scène expliquent l'œuvre et leur démarche. C'est bref, mais toujours bien venu. En matière de Wozzeck, on restera « vidéographiquement » fidèles à la légendaire production de Patrice Chéreau à Berlin (Warner) et au spectacle fascinant de Peter Mussbach à Francfort filmé dans des conditions éblouissantes pour Arthaus.

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