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Don Giovanni: la révolution Jacobs et l’épreuve de la scène

Nous avions beaucoup aimé le Don Giovanni de en version concert et puis au disque. Harmonia Mundi nous offre désormais la version scénique filmée lors de son passage automnal à Baden-Baden.

Comme toujours chez Harmonia Mundi, le fini apporté au produit est magnifique : l'objet est esthétiquement séduisant et le spectacle, très bien filmé, est complété par un bonus de près d'une heure. Ce dernier s'avère très intéressant et on se lance à la découverte des personnages, des instruments, du librettiste… Ce parcours est entrecoupé d'entretiens avec les chanteurs, les instrumentistes, le metteur en scène et le chef. Comme toujours avec le musicien belge, ses propos s'avèrent passionnant, même si on a le sentiment qu'il cultive avec joie le : « pourquoi, moi, j'ai raison ».

Avec , Jacobs a trouvé un partenaire qui voulait, comme lui, faire table rase du passé et renouer avec les sources du tragi-comique. Mais le scénographe français verse dans son pêché mignon : la débauche de gesticulations au point de perdre le fil dramatique de l'œuvre. Au fond, ce travail scrupuleux est respectueux de la partition, mais on voit un gentil Don Giovanni, bien sympathique mais qui ne bouleverse pas notre vision de l'œuvre. Pour une partition que l'on connaît par cœur et qui use, jusqu'à l'excès, les planches des théâtres lyriques, on aurait aimé plus d'audaces. C'est d'autant plus triste que les choix de René Jabobs, en termes de mise en scène, ont toujours été assez osés !

Musicalement, on retrouve la direction acérée et ultra-fouillée du chef qui décape la partition comme jamais. L'orchestre baroque de Freibourg se plaît à se surpasser en termes de virtuosité, d'ampleur et de couleurs. La distribution est assez différente de celle proposée en disque et certaines faiblesses des chanteurs apparaissent ici au grand jour. Le valeureux Marcos Vink, ne peut pas rivaliser avec , le meilleur Figaro du moment. L'exquise apparaît ici bien trop légère en Zerlina alors qu' peine aux extrémités de la tessiture. Le jeune est un Don Giovanni bondissant et énergique, mais l'excellence du chant peine à faire oublier un manque de profondeur.

Ce spectacle charmant mais un peu désuet se regarde sans déplaisir, mais on attend encore « LE » grand Don Giovanni de l'ère vidéographique. Tout comme l'Enlèvement au sérail, les mises en scènes oscillent souvent entre la relecture radicale ou le trop traditionnel. Tout compte fait, on reste, encore, des fidèles du film magistral de Joseph Losey.

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