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Proserpine par Hervé Niquet, le soleil à son zénith

Vous l'attendiez depuis 2006 et sa création en version concert à la Cité de la Musique

Les esprits chagrins craignaient de retrouver les coupures constatées ce soir là. Et bien voici une attente qu', et la maison de disque Glossa ont mis à profit pour nous réserver une magnifique surprise ! Proserpine de retrouve dans cet enregistrement un éclat digne du Roi Soleil à son zénith.

L'intrigue simplissime : l'enlèvement de Proserpine à sa mère Cérès par Pluton peut expliquer un certain désintérêt du public dès la première représentation. Pas de prince qui doit combattre pour libérer son pays et sa princesse. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, le livret de Quinault et la musique de ont des trésors à nous y révéler que cet enregistrement permet enfin de découvrir au grand jour.

Un précieux guide vous facilitera cette découverte, premier trésor qui accompagne ce CD. Le livre (livret), vous permettra de connaître tous les niveaux de lectures possibles et imaginables qui ont accompagné cette œuvre au moment de sa création, puis lors de ces trop rares réapparitions au répertoire. , le jeune et passionné directeur artistique du Centre de Musique Baroque de Versailles introduit cette œuvre oubliée, accompagné par quatre autres musicologues et tous sauront vous donner l'envie de savourer ce magnifique travail d'érudition dans une édition limitée et numérotée.

Côté musique, dès le prologue et vous emporteront, avec l'ensemble de la distribution dans le tourbillon qu'est la musique de Lully. Car prologue il y a donc ! Tout ici est brillantissime ! nous démontre combien Lully savait donner mille feux à la poésie amoureuse des vers de Quinault (et l'on peut regretter quelques petites coupures dont on ne nous donne pas la raison mais que l'on nous annonce). C'est toutes les couleurs de l'orchestre baroque qu' fait ressortir, jusqu'aux sonorités profondes et graves de la basse de cromorne aidé par une prise de son remarquable. Chaque interprète nous émerveille. Voici une distribution rêvée, où Stéphanie d'Oustrac par sa voix chaude et de bronze est une Cérès tragique (Que tout se ressente de la fureur que je sens) et si murmurante et douce pourtant (Goutons dans ces aimables lieux). Des moissons, elle porte l'avenir, de la colère, elle est le volcan. est une émouvante Proserpine, aux aiguës célestes et dont la grâce presque froide, apporte aux Enfers une élégance baroque. , nous révèle un Pluton dont la voix sait nous montrer dans sa gravité amoureuse, les failles que les femmes lui dénient.

Tous les autres rôles sont également distribués avec un goût certain : est un délicat et séduisant Alphée formant avec , un couple dont les amours à la délicate poésie, qui ont pu parfois sembler hors de propos, apportent au contraire cette touche d'humanité à ce monde des dieux. Leurs voix s'unissent avec sensualité. Mercure est un doux flagorneur auquel François-Nicolas Geslot prête une suavité séduisante. Dans le prologue enregistré ultérieurement, les Allégories de la Paix, de la Discorde et de la Victoire sont rayonnantes et graves, jouant de la théâtralisation de leurs personnages et des situations mises en scène. Tous les interprètes, y compris le chœur soignent la déclamation, le français retenu en étant moderne (pourquoi pas lorsque c'est aussi bien interprété) et le texte de Quinault permet au récitatif de Lully de se révéler, éblouissant et chantant, se transformant en véritable arioso à l'occasion. N'oublions donc pas les chœurs qui tiennent parfaitement leur rôle et dont la présence dramatique et les couleurs contribuent avec brio à ce bel enregistrement.

Rien ne convient mieux au Soleil que la musique de Lully et ici bien mieux qu'à la Cité de la Musique Hervé Niquet s'en révèle un fidèle et talentueux serviteur. Cet enregistrement est une très exceptionnelle référence pour la discographie de Lully.

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