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Sibelius et la totale maîtrise de la voix

Le Volume 3 de cette imposante Édition Sibelius rassemble toute la musique pour chœur et orchestre, son unique opéra (La Jeune Fille dans la Tour), ses mélodies et ses mélodrames avec orchestre. Ainsi que pour les autres albums avec orchestre, deux phalanges se partagent la vedette : l' sous les baguettes de et Jorma Panula, et l' sous celle d'.

Ce n'est pas le maintenant célèbre Kullervo op. 7 de 1892 (grâce au pionnier chez EMI), souvent sous-titré Symphonie, qui constitue le premier essai de musique pour chœur et orchestre de  : il nous a laissé, à l'état de manuscrits de 1889, Deux Chorals pour chœur mixte et orchestre qui sont enregistrés ici et qui sont aussi les tout premiers exemples conservés de l'écriture orchestrale de Sibelius. Ces Chorals ne sont encore que des exercices de style alla , mais ils montrent déjà l'habileté d'écriture d'une forte personnalité qui s'épanouira d'emblée dans Kullervo, œuvre dont on comprend aisément qu'elle eut un impact indélébile dans le monde musical finlandais, vu que, hormis l'excellence de l'écriture musicale, elle trouve son inspiration dans les textes de la mythologie nationale finlandaise du Kalevala, qui influencera si souvent Sibelius dans ses compositions, avec ou sans la présence vocale.

Ce coffret est particulièrement bien planifié, car il propose les partitions selon un ordre chronologique (Kullervo, occupant généreusement tout un CD, est d'emblée placé en premier) dévoilant ainsi clairement l'évolution du compositeur. Bien sûr il était inévitable que dans une publication de cette exhaustive envergure, le génial côtoie le musicalement plus modeste : aux côtés de grandes pages dont certaines, sous forme allégorique grâce au texte, sont un cri patriotique contre l'oppression jugulaire de la Finlande par la Russie, d'autres sont des œuvres de pure circonstance, voire alimentaires. C'est le cas de cette Cantate de Promotion (1894) pour l'Université d'Helsinki où Sibelius fut temporairement enseignant, œuvre dont le troisième et dernier volet purement orchestral, Andantino, consiste en une sorte de rondo répétitif de 9 minutes. C'est aussi surtout le cas d'une autre Cantate, celle pour le Couronnement de Nicolas II (1896) qui dut faire grincer des dents notre bon Sibelius œuvrant certainement plus par devoir que par conviction inspirée, le Tsar de toutes les Russies n'aimant guère le peuple finlandais…

Parmi les œuvres plus importantes, il convient de mentionner l'unique opéra de Sibelius, La Jeune Fille dans la Tour (1896), sur un sujet typique de chevalerie médiévale dans lequel une jeune damoiselle est sauvée par son preux bien-aimé ; sans doute la brièveté de cet opéra (35 minutes) l'écarte de nos scènes lyriques, ce qui est à déplorer vivement, car c'est une œuvre de qualité, malgré ses effectifs modestes. On retrouvera pratiquement le même sujet – et une allégorie plus évidente – dans la belle ballade La Reine Captive (1906/1910).

C'est encore le texte du Kalevala qui inspire Sibelius dans sa remarquable Cantate L'Origine du Feu (1902/1910) : la simplicité de l'écriture chorale n'empêche nullement la pièce d'atteindre des sommets impressionnants, le texte étant en parfaite adéquation avec la période d'obscurantisme que vivait la Finlande sous la férule russe. Il est bon de retrouver cette œuvre peu enregistrée depuis la gravure historique rare en une stéréophonie de 1953 (!) dirigé par Thor Johnson (LP Remington, puis Varèse Sarabande).

En plus de sa présence dans le premier coffret de l'Édition Sibelius, l'admirable Luonnotar (1913), mi-poème symphonique, mi-chant avec orchestre, connaît ici une deuxième exécution de la soprano MariAnne Häggander qui ne le cède en rien à la superbe interprétation de . Et une fois de plus, l' et son chef se font les champions des diverses versions d'une même œuvre, allant jusqu'à enregistrer brillamment les quatre moutures de la Marche patriotique As-tu du Courage ? D'un autre côté on s'étonnera de la curieuse absence de la version avec chœur d'hommes de Finlandia, alors qu'elle se trouve pourtant au catalogue BIS par sous la référence BIS-CD-314.

Il serait fastidieux de commenter l'ensemble des mélodies et des chœurs avec orchestre. Qu'il suffise de souligner la ferveur et la chaleureuse somptuosité de toutes ces exécutions, la complète adéquation des interprètes aux pages qu'ils honorent, pour affirmer la parfaite osmose de ce troisième coffret de l'Édition Sibelius avec l'œuvre grandiose du célèbre Finlandais. Lorsque cette vaste réalisation arrivera à son terme en 2010, il ne fait aucun doute qu'elle constituera la bible sibelienne à laquelle on se référera toujours avec la plus grande joie et le plus profond respect. Heureux  !

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