- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Brigitte Hool, Micaëla de velours

Au tomber du rideau, le chef d'orchestre s'avançant sur le devant de la scène salue avec, à ses côtés, tous les musiciens de l'. Un hommage bien mérité à une formation qui sait comme aucune autre anticiper et s'immiscer admirablement dans la sensibilité musicale des chefs qui la dirigent.

Et dans ce Carmen, il le démontre avec brio. Certes, la direction sans effet de manche de porte l'OCL à donner son plus bel éclat, ses plus belles couleurs et ses déliés les plus sublimes. Avec une musicalité rare, ne cédant pas aux faciles effets que cette musique si populaire peut parfois inspirer, le chef français soigne les climats, les ambiances qui entourent le drame de Carmen. Malheureusement, malgré son attention continuelle au plateau, bien des protagonistes ne semblent pas prêter une grande attention à la manière de porter la musique de Bizet.

Des principaux rôles de la distribution lausannoise, seule (Micaëla) propose une interprétation méritante. Bien qu'un peu sur la retenue dans son duo du premier acte, son grand air du dernier acte est chanté avec la maîtrise de grande dame du chant. Profondément touchante et démontrant une grande intelligence du chant et du dire de la prosodie, elle sait donner du velours sans pour autant s'abandonner aux larmoyantes intonations vocales si souvent entendues dans ce rôle. Dans le rôle-titre, la beauté plastique de la mezzo-soprano (Carmen) est loin de pourvoir aux besoins du personnage. Si elle trouve une certaine véracité théâtrale dans son ultime scène avec Don José, jamais jusque-là elle ne donne l'impression d'incarner la gitane dont tous les hommes sont amoureux. Sa mollesse du geste, ses trop grandes enjambées, son manque d'hispanicité provocatrice, en fait une Carmen de lait alors qu'on attend une femme de sang. Vocalement, rien à dire. Elle chante juste, toutes les notes y sont mais, dans cette voix trop belle pour le personnage, on s'ennuie vite à sa présence. Jamais on ne croit à l'amour, même fugitif, qu'elle peut avoir pour Don José. Peut-être que le chant vieillissant de (Don José) en est la cause. Avec sa pâle présence scénique et ses quelques rares aigus encore percutants tranchant singulièrement avec un médium incolore, le ténor péruvien n'enchante guère. De son côté, le baryton (Escamillo) perd de sa superbe dans un rôle vocalement pas à sa mesure. Son « Toréador, en garde ! », le démontre amplement tant il peine à dominer le registre grave.

Alors, qui dans cette Carmen relève le défi ? Quitte à risquer d'être taxé de chauvinisme romand, il faut bien reconnaître que les «régionaux de l'étape» s'en tirent mieux que les vedettes étrangères du spectacle. Hormis la soprano vaudoise dont nous parlons plus haut, les genevois et genevoises de souche ou d'adoption tiennent le haut du pavé de cette production. Si les rôles qu'ils tiennent sont moins éprouvants que les rôles principaux, la simplicité et l'authenticité avec laquelle ils les remplissent force l'admiration. A commencer par (Frasquita) et (Mercédès) qui dans la scène des cartes font preuve d'un jeu théâtral magnifiquement assimilé qu'elles agrémentent d'un chant simple, efficace, juste sans inutiles fioritures. De même, Benoît Capt (Zuniga) et Sacha Michon (Moralès) sont d'excellents soldats à l'articulation vocale claire alors que (Le Dancaïre) et Humberto Ayerbe-Pino (Le Remendado) font vivre avec vigueur les passages de fugue de la fin du troisième acte.

Si le décor d'un haut mur de briques grises (Alessandro Camera) donne l'image d'une Séville écrasée de chaleur, on s'attend à y vivre tous les excès de la nouvelle de Mérimée. Mais décors et costumes tombent bientôt dans la banalité devant la direction d'acteurs «téléphonée» d'. A l'exemple de l'entrée des gamins singeant les militaires de la garnison. Stylés comme dans une fanfare défilant au Festival Tattoo Militaire d'Édimbourg, ils s'alignent parfaitement en rang d'oignons comme jamais ne le feraient des enfants. Une négation du geste authentique qu'on retrouve tout au long du spectacle. Dans la lutte des cigarières comme dans la danse des Bohémiennes dans la taverne de Lillas Pastia. Cependant, autant la direction théâtrale du chœur et des figurants laisse à désirer autant sa préparation vocale est apparue en net progrès par rapports à ses précédentes prestations. Diction, justesse, rythme, on retrouve avec plaisir les bienfaits de la patte de sa cheffe, .

Crédit photographique : (Don José) & (Carmen) © Marc Vanappelghem

(Visited 693 times, 1 visits today)