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Die Zauberflöte à Cologne, quand le rêve tourne au cauchemar

Qu'est-ce que La Flûte enchantée ? Un conte de fée ? Une comédie populaire ? Une pièce d'initiation maçonnique ? Un drame d'idées du Siècle des Lumières ? Ou bien tout à la fois ? Dans la nouvelle production de l'Opéra de Cologne tout n'est qu'un rêve, le rêve d'un malade mental.

En effet Tamino, personnalité multiple divisée en un chanteur, une récitante et un danseur, imagine toute l'histoire. Ou peut-être la revit-il dans quelque asile après 20 ans de mariage malheureux avec Pamina. Quoi qu'il en soit, ce que le metteur en scène Peer Boysen nous montre, n'a plus rien à voir avec le livret d'Emmanuel Schikaneder. Les dialogues sont redistribués entres les personnages, voire réécrits. A tout moment, on trouve sur scène des chanteurs qui ne devraient pas être là à cet instant précis. Sarastro et sa suite sont habillés en noir alors que la reine de la nuit et ses trois dames portent des costumes tout aussi laids, mais blancs. Monostatos n'est pas noir, mais boiteux, Papageno étant tout sauf un oiseleur. A propos de Papageno : son histoire, habituellement le contrepoint comique de la pièce, est ici entièrement anéanti. Privé des trois quarts de son texte n'a plus aucune chance de créer un personnage. Pendant l'épreuve du feu et de l'eau ni Tamino ni Pamina ne bougent d'un centimètre pour s'asseoir ensuite dans deux cercueils gris en se fabriquant une petite couronne en papier. Voilà le grand amour ! Arrêtons ici d'énumérer tous les contresens de cette production, car vous l'aurez compris : pour le spectateur, le rêve tourne vite au cauchemar.

Heureusement, la partie musicale sauve en quelque sorte la soirée. Si l'on aurait pu imaginer une approche plus incisive, plus dramatique, l'interprétation de est d'une admirable cohérence. Misant essentiellement sur la transparence des instruments et la beauté du son des différents pupitres de son orchestre, cette lecture noble, tout en demi-teintes, contraste singulièrement avec la laideur de ce que l'on voit sur scène.

Mis à part les trois enfants complètement dépassés par la hauteur de la tâche et un Sarastro bien chantant, mais très raide de timbre et plutôt faible dans le bas du registre ( remplaçant initialement annoncé), la distribution est globalement honorable. Parmi les emplois secondaires, il faut souligner le trio très homogène des dames (, , Viola Zimmermann) ainsi que l'Orateur sonore et digne de Wilfried Staber. Malgré un timbre un peu quelconque, Agnete Munk Rasmussen est une bonne reine de la nuit affrontant crânement la tessiture meurtrière du rôle. , nous le disions, est le moins drôle des Pagageno. Sa prestation vocale en revanche, rappelant par moments Dietrich Fischer-Diskau dans l'enregistrement de Ferenc Fricsay, mérite le détour. En Tamino, Benjamin Bruns, membre de la troupe de Cologne depuis cette année, fait entendre une très jolie voix de ténor lyrique, à laquelle s'ajoute un sens aigu du phrasé et des nuances. Espérons pourtant qu'il stabilise son aigu tantôt vaillant, tantôt un peu crispé, voire émis trop bas.

Reste la reine de la soirée, la Pamina de Kristiane Kaiser. Sa voix jeune et lumineuse est idéale pour le rôle, et ses aigus piano donnent le frisson. Rien que pour son «Ach, ich fühl's», gorgé d'émotions, il était utile de s'être déplacé.

Crédit photographique : Agnete Munk Rasmussen (La reine de la nuit) & Benjamin Bruns (Tamino) ; Kristiane Kaiser (Pamina), (Papageno) & Benjamin Bruns (Tamino) © Klaus Lefebvre

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