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Rusons sur la production

Un champ de tournesols sortis d'un magasin d'ameublement, une voie de chemin de fer qui traverse la scène, des enfants en tenue stylisée d'insectes…

Nous avions déjà vu ça quelque part : au Théâtre des Champs-Elysées il y a exactement six ans. a repris sa mise en scène produite par Lyon et le TCE pour la servir à Bastille, moyennant quelques aménagements et surtout la mention «nouvelle production» sur le programme. Pas si nouvelle que ça au finale. Mais La petite renarde rusée est un défi de mise en scène, et on ne saurait reprocher à un seul homme de fourmiller d'idées sur cet opéra qui mêle humains et animaux. Nous nous retrouvons donc dans le même univers de naïveté et de poésie, avec en prime un orchestre somptueux et une distribution bien plus en voix.

Les splendides costumes d'Elizabeth Neumuller continuent d'étonner, avec ses poules en robe de chambre, son coq bien pourvu par la nature, ses vaches et chèvres en robes avec un sac en forme de pis, sa truie en veste rose avec des mamelles en guise de poches ou sa grenouille avec une parka verte. Dans cet univers à la Marcel Aymé (on ne peut s'empêcher de penser aux Contes du chat perché) opte pour l'onirisme. Le garde-chasse, archétype de l'homme rude au grand cœur, entre peu à peu en communion avec la nature tant le monde des hommes est dur avec lui. Dommage que nous a une fois de plus asséné sa décoration de printemps de grand magasin avec ses tournesols, quand ce n'est pas une scène vide recouverte de fausse neige et fermée par un drap blanc en fond.

A l'orchestre, c'est la fête. met en valeur la luxuriance de l'écriture de Janáček, l' brille au premier sens du terme. Tout est admirablement construit, dirigé, chaque couleur instrumentale dosée comme il le faut. Mais… tout ça est un peu trop fort, allié au gigantisme de Bastille qui ne sied guère à l'œuvre (Garnier aurait mieux convenu) les voix ne passent pas toujours.

Pourtant vocalement nous sommes devant un plateau infiniment supérieur à celui présenté en 2002. Aucun second rôle ne démérite, particulièrement , chouette désopilante, Letita Singleton en basset poète et lubrique et Slawomir Szychowiak, artiste des chœurs, habitué des seconds rôles sur cette scène parisienne. C'est non sans plaisir que nous retrouvons , Alwa de la mémorable Lulu de 1979, bien que sa voix ne soit plus tout à fait la même depuis. Chez les premiers rôles, excellents Jukka Rasilainen et Hannah Esther Minutillo, plutôt à l'aise dans ce chant proche du récitatif. défend avec vaillance le seul véritable air de la partition. Présentée comme une «étoile montante», , petite renarde plus mutine que rusée, mérite bien cette appellation : sa prestation dans Les aveugles de nous avait déjà impressionné. Un nom à suivre.

Programmer dix représentations d'un opéra qui n'est pas vraiment du grand répertoire, il fallait oser. La salle, pour cette première, n'était pas tout à fait pleine. Diverses opérations de promotion sont en cours (1 place achetée = 1 place offerte pour un moins de 14 ans, mais uniquement sur les trois premières catégories !). Et enfin, après le Metropolitan Opera de New York, l'Opéra National de Paris se lance enfin dans la diffusion sur Internet, en partenariat avec France2, Medici.tv et radio-France. Rendez-vous le 4 novembre pour le direct, le 15 novembre pour la diffusion sur France-Musique, quand vous voulez jusqu'au 31 décembre en VOD et courant 2009 sur France2 (pas trop tard on espère). Un DVD devrait sûrement suivre. La réalisation, signée Don Kent, laisse augurer du meilleur.

Crédit photographique : (la Renarde) & Hannah Esther Minutillo (le Renard) © B. Uhlig / Opéra National de Paris

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