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Tchicatchicatchic !

Les madeleines se dégustent avec impertinence… Avec cet aphorisme digne des messages de Radio Londres, nous touchons au vif du sujet, car dans la mise en scène de La belle de Cadix ne craint pas de manier le cliché, voire le kitsch, avec une certaine tendresse.

Ce livret n'est certes pas un ouvrage à thèse, il apparaît comme gentillet, même «cucul», avec un texte qui ne craint pas de faire rimer amour avec toujours, enchanteur avec cœur, ni d'énoncer des phrases telles que : «C'est la loi de la nature / Les oiseaux chantent sous la ramure» ; ou : «Ô ma Pépa, ô ma Pépi, ô la pépée à son papa». Mais il fonctionne grâce à cette unité de style fondamentale, grâce à la vivacité de ses répliques pourtant convenues ; en somme on se sent en famille, quand on sort de bonnes blagues bien françaises à la fin du repas.

Les personnages sont pourtant vraiment stéréotypés : ce sont ceux qu'on voit dans les films en technicolor des années 50, et cette convention même a quelque chose d'attendrissant. Ainsi Charles Alves de Cruz colle au personnage de Carlos, jeune premier vedette de cinéma, par son physique de beau ténébreux et par son timbre de voix velouté qui rappelle bien souvent celui du créateur du rôle, Luis Mariano. La belle (de Cadix) Maria Luisa possède une voix ronde et fraîche, d'une puissance qui lui permet de pousser quelques contre-uts sans défaillir : toutes ces qualités l'ont déjà fait triompher entre autres dans le rôle de Chérubin à Lisbonne en 2006.

Le maître et le valet sont des habitués de la scène dijonnaise, l'un interprétant un homosexuel agité et l'autre un serviteur obséquieux et retors ; même si leur jeu peut sembler parfois outré, leurs apparitions sont toujours efficaces. Pépa, «ma gigi, ma gitane», joue avec entrain le rôle d'une séductrice à la fois naïve et arriviste. Le guitariste Ramirez est un peu plus en retrait, mais Pierre Doyen nous a gratifiés de l'air le plus poétique de cette partition.

Décors, costumes et éclairages sont pour beaucoup dans la réussite du spectacle. L'évocation du mythique Palm Beach de Cannes met l'accent d'une façon un peu cruelle sur les blondes groupies peroxydées qui peuplent les plages chic des années 50 tandis que les scènes andalouses sont traitées avec le kitsch hispanique de rigueur : robes à volants ornées de strass et mantilles fluo habillent les dames du chœur, tandis que les robes à pois enjuponnées et serrées à la taille des actrices principales rappellent les années Bardot. De grandes cartes postales clinquantes représentent des danseurs gitans et la gigantesque silhouette d'un taureau de corrida orne le fond de scène. Les éclairages soulignent par des couleurs chaudes les changements de tableaux. Evidemment la chorégraphie de la troupe Vilcanota évoque le flamenco, mais avec des gestes brusques qui introduisent une certaine modernité.

La musique de , réorchestrée par et dirigée avec énergie par , est une des clefs du dépaysement et de la nostalgie. Les rythmes de mambo, de boléro, de habanera, sont soulignés par une percussion adaptée et mettent des fourmis dans les jambes, et la lascivité des mélodies est suggérée par la suavité des cordes. A mi-chemin entre music-hall et opérette, La Belle de Cadix est un bon classique de la musique populaire ; comme le chanteur de «Mexiico», les «yeux dé vélours» restent dans toutes les mémoires avec l'accent de Luis Mariano. Paillettes et mantilles, gomina et tango sont évidemment à prendre au second degré comme une bonne plaisanterie, mais ces clichés, témoins d'une époque qui cherche à fuir les souvenirs des années de plomb, nous communiquent toujours un optimisme salutaire.

Crédit photographique : © Charles Alves da Cruz (Carlos)

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