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Mahler se suffit à lui-même

«Du vin nouveau dans de vieilles amphores». Voici comment présente son œuvre dans le programme de salle. On ne saurait être plus prétentieux. En guise de «vin nouveau» nous avons eu un picrate de mauvaise qualité, un mélange douteux de Berg, Messiaen et Bernstein. Ce Concerto pour violon commençait pourtant bien, l'orchestration est luxuriante, la pâte sonore riche, surtout quand elle est portée par . Le langage alterne tonalité et modalité, ce dont on se doutait largement vu la mouvance dans laquelle s'inscrit le compositeur. Mais une fois les premières minutes passées… Peu d'originalité, beaucoup de remplissage, de tunnels interminables dans une partition longue, longue, longue… «Un peu plus d'une demi-heure» précisait le compositeur, toujours dans le même programme. Près de cinquante minutes en réalité. Pourtant l' sous la direction de Salonen et se sont surpassés. Autant de luxe pour une création contemporaine, ce n'est pas si courant. Quelques applaudissements polis, des «bravos» hurlés pour couvrir les quelques huées, rideau. Passons aux choses sérieuses.

Das klagende Lied est la première œuvre de Mahler. Déjà le langage se fait personnel, malgré l'empreinte de Wagner. Le compositeur a remis souvent son œuvre en question, mais lors de ses rares exécutions c'est toujours la version originale qui est jouée. Et dès son premier opus Mahler pose l'ambigüité d'une écriture lyrique sur un sujet qui s'y prête tout en refusant de faire un opéra. Das klagende Lied est une ballade romantique qui narre la lutte entre deux frères pour le cœur d'une princesse. L'aîné, jaloux, tue le cadet au fond d'un bois. Quelques temps plus tard un musicien trouve dans la forêt un os avec lequel il se confectionne une flûte, dont sort un chant plaintif… Invité aux noces de la princesse avec le frère félon, il joue de son instrument. La princesse s'évanouit, les invités s'en vont, le frère assassin reste seul avec le chant plaintif, das klagende lied.

Pour l'occasion, convoque, outre un orchestre au complet augmenté de cinq harpes, une fanfare en coulisses, un grand chœur et un plateau de solistes. Ce furent ces derniers qui ce soir étaient le point faible du concert. A la notable exception de , les trois autres chanteurs faisaient preuve de peu de raffinement et d'une justesse parfois approximative. Les deux solistes du Tölzen Knabenchor sont stupéfiants. Curieuse idée toutefois de leur avoir confié certaines parties de soprano et alto solos, l'écriture vocale étant plutôt conçue pour une voix d'adulte. Le Chœur de l' se sort comme il peut d'une partition ingrate, qui demande un soutien hors du commun, et peine à surmonter un orchestre souvent sollicité en tutti. L'Orchestre de Paris une fois encore se surpasse dans un programme qui ne l'a pourtant pas épargné. a su galvaniser ses troupes, la fatigue ne se fait jamais sentir. Le potentiel est là, dommage qu'on ne puisse s'en rendre compte à chaque concert.

Et Mahler aurait largement suffit pour cette soirée.

Crédit photographique : © / Lehtivuka

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