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Cavalleria rusticana / I Pagliacci, la loi des hommes

Deux tranches de vie bien saignantes sur fond de vendetta, telle est la dimension de Cavalleria rusticana et I Pagliacci.

Si la mise en scène de ne fait pas dans la dentelle en respectant l'esthétique vériste du coup de couteau, elle est vampée par la trame filmique de . L'atmosphère, pour ainsi dire, est ainsi restituée par la battue des flots, le climat aride de la campagne sicilienne, le coucher et lever de soleil. Ce montage cinématographique surplombe la scène et s'inscrit dans la droite ligne du film-opéra de Zeffirelli. Dommage que la direction d'acteurs ne se hisse pas au même niveau. Certes, des images fortes se détachent, telle celle qui rappelle La Piéta, mais que de lieux communs rabattent la vie paysanne au machisme abrupt dans un catholicisme primaire ! Les décors de , visiblement mieux inspiré dans Pagliacci, nous dévoilent les tréteaux des saltimbanques, avec acrobates, personnages burlesques, tout droit sortis de la commedia dell'arte.

La déception majeure vient du directeur , annonçant souffrant, atteint d'un virus. Pourtant, contre vents et marées, le ténor a tenu jusqu'au bout. Chanter dans une telle condition physique tient du miracle. Certes, dès son entrée en scène, la nervosité est palpable et la voix s'en ressent. Plus soucieux de faire la note que d'endosser les habits de Turiddu, c'est le personnage qui souffre le plus de carence identitaire. La soprano détient bien des atouts. La voix a la largeur nécessaire qui convient au rôle de Santuzza. Elle campe la fille abandonnée sans tomber dans les excès faciles, rend son personnage crédible en lui donnant sa dimension tragique. La mezzo-soprano en Mamma Lucia est parfaite dans le rôle de la mère et Geneviève Lévesque complète habilement la distribution en une pimpante Lola. Le véritable héros de Cavalleria rusticana, demeure le baryton Gaétan Laperrière en Alfio. Au sommet de sa carrière, la voix, d'une beauté saisissante, gagne en puissance, toujours d'une justesse de ton inouïe. Scéniquement, il impose sa loi et sa vengeance autant dans le rôle du charretier cocu que dans l'âme noire de Tonio.

Le ténor incarne la face tragi-comique du clown Canio. Certes, le timbre peut déranger. Force est de constater que son incarnation n'en demeure pas moins fascinante. C'est l'homme qui a vécu et ses sanglots, ses cris ne doivent rien aux excès du vérisme de mauvais aloi. Sa violence toujours contenue s'exprime dans le fameux «Recitar !… Vesti la giubba.» comme une implosion rageuse avant le dénouement du drame. , que nous avons connu mieux inspirée dans d'autres productions, incarne une Nedda/Colombina corsetée et sans grand relief. La beauté physique de la jeune femme compense ce manque d'appétence. La voix n'a pas gagné en puissance, les aigus sont parfois difficiles. Le personnage même reste en retrait jusqu'à son air «Quel fiamma avea nel guardo». en Silvio et en Peppe, s'acquittent passablement bien de leur rôle respectif.

Les chœurs sous la direction de Réal Toupin sont excellents et participent pleinement au drame qui se joue. On aurait apprécié une direction plus vigilante de à la tête de l'.

Crédit photographique : (Canio) © Opéra du Québec

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