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Xerse de Francesco Cavalli au TCE

Quelle plus belle résurrection pouvait attendre ce Xerse de que la représentation de ce soir au Théâtre des Champs-Elysées ? 

Xerse qui en son temps fut considéré en Italie comme un chef d'œuvre de l'art lyrique naissant disparut ensuite du répertoire car boudé par le public français. Ce dernier dans sa réticence à ce qui venait d'outre-mont le rejeta lors de sa représentation à l'occasion du mariage de Louis XIV. Mais au sein d'un spectacle qui avait duré plus de huit heures ! Pour nous permettre d'entendre une version courte et de découvrir bien des subtilités de ce bijou musical, Jérôme Corréas a réuni autour de lui un plateau vocal d'exception.

Xerse fut composé pour être représenté dans un des théâtres populaires de la Sérénissime en 1654. L'intrigue peut paraître complexe en raison du nombre des personnages. Elle conte avant tout des amours contrariées et s'attache à l'expression des affects. Ici les héros ne sont plus des dieux, théâtre populaire oblige, mais des êtres de chair et de sang. Xerse et son frère Arsamene sont tous deux amoureux de Romilda. Cette dernière rend ses sentiments à Arsamene. Ils doivent donc triompher non seulement d'un roi tout puissant, mais également de la jalousie de la sœur de Romilda, Adelanta. Ils sont aidés en cela par la promise de Xerse, Amastris, mais également par des serviteurs et la maladresse du père des deux sœurs. Aucun rôle n'est secondaire car justement chacun participe à la justesse des sentiments. Tous expriment des formes d'amour et d'amitié, de courage et de lâcheté qui nous rendent cette palette de sentiments si vrais et si bouleversants.

Le TCE reçoit habituellement des grands effectifs orchestraux, voulant respecter les usages lors de la création, Jérôme Corréas et se sont présentés en petit effectif. Ils se sont heureusement permis quelques libertés, étoffant les couleurs orchestrales d'un violoncelle, d'une contrebasse et d'une viole de gambe supplémentaire, offrant ainsi un peu de profondeur et quelques ombres, ce qui en ce lieu était indispensable. On peut toutefois regretter la place trop prégnante du clavecin dans les récitatifs. Mais que de belles nuances, que de richesse dans les arias aux ors et aux teintes flamboyantes ! Chaque instrument vient aider à la caractérisation des personnages. La direction de Jérôme Corréas est à l'écoute des chanteurs et offre un écrin soyeux et lumineux au chant. Le plateau vocal a été en cette soirée une source d'émerveillements.

Si la distribution est audacieuse pour Arsamene, chaque chanteur était idéal. Dans le rôle titre, la mezzo , fait preuve d'une grande musicalité et sa sensibilité donne à Xerse cette faiblesse si humaine qui en fait non pas un tyran au sens de «dictateur», mais un «guerrier amoureux», un homme capable de faiblesse. Son timbre chaud, offre ainsi une poésie langoureuse à ce rôle. Son frère Arsamene est une belle idée de la distribution. C'est non un contre-ténor mais la mezzo si tragédienne qu'est Guillemette Laurens qui tient le rôle. Elle donne ainsi à son personnage toute la fougue et l'audace nécessaire qu'il lui faut pour conquérir et vaincre tous les obstacles y compris sa propre jalousie. Son timbre sombre, en montre cette faille qui plus d'une fois pourrait lui être fatale. Celle qui fut un extraordinaire Néron nous rend crédible cette masculinité travestie par ce caractère ombrageux que ses couleurs vocales et sa présence scénique rendent si évidents.

Romilda se doit d'être une jeune fille encore naïve. Le timbre clair et cristallin, d'Isabelle Philippe, son art des vocalises, fait de Romilda une pure jeune fille qui par son innocence parvient à faire triompher son amour. Magali Léger donne à sa sœur jalouse, un ton joueur et attachant. Son timbre tout aussi lumineux, montre combien son amour pour Arsamene n'est au fond qu'un jeu d'adolescente. Dans le rôle de la promise bafouée, Amastris, Anna-Maria Panzarella, apporte par sa voix plus veloutée et mûre, l'énergie de la combattante et la suavité de la femme amoureuse. Ariodante est interprété par le ténor . Son timbre, ses couleurs, en font un père attentif, un guerrier très humain, ébloui par le pouvoir et soumis à l'ordre.

Cet opéra destiné à l'origine à un public populaire, joue sur les contrastes et sur ce théâtre de rue où les serviteurs apportent la joie et le bon sens. Ici la distribution nous donne toutes les facettes de ce rire si tendre et si gouailleur. Au caractère ombrageux d'Arsamene son serviteur Elviro vient apporter la tendresse. Drôle, lâche, un peu fainéant, gaffeur en diable, il est merveilleusement rendu, avec une grande délicatesse par Jean-François Lombard. Dans la scène de la tempête, si frêle, il échappe à la mort grâce à au jeune page Clito, interprété par . Elle donne le rayonnement du rire et la force de l'amour/amitié simple à son personnage audacieux mais pas téméraire. est Eumene, l'eunuque de Xerse, avec des nuances extrêmement subtiles. Son timbre riche et son abattage de comédienne, valorisent l'importance de ce serviteur fidèle, observateur lucide et amical. Les duos avec fonctionnent à merveille. Arnaud Marzorati, précepteur d'Amastris, vient compléter cette distribution harmonieusement. Par son baryton-basse, il amène cette note de sagesse plus grave mais oh combien fidèle des amis de toujours.

Si le public présent a fait une ovation aux interprètes, on peut regretter les sièges restés vides, semblant répéter injustement l'histoire. Il ne manquait en fait qu'une chose ce soir, une mise en scène, car cette œuvre est belle et faite de perles inouïes aux beautés vocales subjuguantes. Entre duos, trios et arias que d'enchantements nous offre Xerse en cette époque de création du genre opéra !

Crédit photographie : Ksistina Hammarström © Hans Speekenbrink ; © DR

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