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Pelléas en version de référence par Laurent Pelly / Bertrand de Billy

Après les versions Strosser/Gardiner (Arthaus – Opéra de Lyon 1987) musicalement irréprochable mais à la mise en scène trop statique et Stein/Boulez (DG – Welsh National Opera 1992) exemplaire en tout points, cette nouvelle parution en DVD de Pelléas et Mélisande coiffe au poteau ses prédécesseurs.

La mise en scène de est un exemple de théâtre. Les divers rires, pleurs ou halètement des personnages, tous ces bruits expressifs pourtant absents des didascalies du livret viennent à point nommé, sans gêner la musique. Pas de transposition hasardeuse, les costumes nous rappellent l'époque de la création (1902) avec la respectabilité et les non-dits de la société bourgeoise de l'époque. Mélisande, qui ne cache pas ses sentiments, gêne ce monde. Arkel est un vieillard impotent qui se traîne en chemise de nuit, Geneviève une matrone autoritaire qui se refuse toute fantaisie, Golaud un être embarrassé dans le carcan de son éducation qui ne sait comment réagir, sauf par la brutalité, face à la liberté de son épouse. Et Pelléas un personnage rongé par la passion. Tout est dans le geste, le symbole, le regard entre les deux principaux personnages. Pelléas et Mélisande est enfin débarrassé de ses oripeaux, de la longue chevelure qui se noue dans les branches, des colombes qui s'enfuient, etc… Au fur et à mesure, on sent que Mélisande s'éloigne de Golaud, au point que celui-ci dans sa scène de folie de l'acte IV («Une grande innocence») en arrive au viol devant un Arkel qui ne sait comment réagir.

La réussite n'est pas que scénique. Enfin le chœur des marins (acte I scène 3) est audible. à la tête de «son» Orchestre radio-symphonique de l'ORF, actuellement menacé de suppression, exagère les épanchements symphoniques de la partition comment étant une contradiction avec la retenue vue sur scène et fait de la partie instrumentale le commentateur de l'action. Sur scène, le plateau vocal est exceptionnel. La diction extrêmement soignée, y compris pour les chanteurs non-francophones, permet de se passer des sous-titrages. Les dons d'actrice de en font une excellente Mélisande, rôle qu'elle aborde ici pour la première fois. est sans conteste un des meilleurs Pelléas du moment. et restent respectivement des Golaud et Geneviève d'exception – comme en témoigne la production parisienne du TCE en 2007. Phillip Ens et se taillent une part méritée d'applaudissements, avec un français soigné quoique la déclamation debussyste se fasse parfois un peu trop solfégique.

Pelléas et Mélisande a enfin trouvé sa version de référence, qui restera longtemps inégalée.

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