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Béjart Ballet Lausanne, réformateurs du XXème siècle

Une intéressante soirée de pièces courtes consacrée aux musiciens réformateurs du XXème qui ont inspiré permet au de revenir à l'Opéra Garnier dix-huit ans après sa dernière tournée.

La soirée démarre par Sonate à trois, créé en 1957 à Essen dans le cadre d'une tournée des JMF. Remonté en cours de saison pour la compagnie suisse, ce trio de solistes retranscrit à la perfection l'atmosphère oppressante du « Huis Clos » de Sartre, dont s'est inspiré. Trois simples chaises noires, une porte et un plafonnier délimitent l'enfermement des personnages. Inès, une brune cérébrale et vénéneuse est ici incarnée par Elisabet Ros. Estelle, l'ingénue employée des postes, est dansée par la blonde . Enfin, Garcin, le journaliste quelque peu cynique, revêt les traits de Domenico Levré. Un trio existentialiste qui a peut-être mal vieilli, accentué par la lumière peu flatteuse des « douches » tombant des cintres.

Le découpage de l'espace scénique offre plus d'intimité au superbe duo en cinq mouvements de Webern Opus V créé en 1966. Sur fond de cyclo bleu se détachent les académiques blancs de Kathleen Thilhelm et Paul Knobloch. Elégantissime, la danse paraphrase la musique. On retient son souffle ! L'exécution de ce duo d'une grande pureté, qui ne supporte aucune approximation, est parfaite, tant du côté chorégraphique que musical. On applaudit autant, voire davantage que les danseurs, le quatuor à cordes composé de Hae-Sun Kang, Jean-Marie Conquer, et , quand il viendra saluer.

Plus allègre est cependant la double clarinette de dans Dialogue de l'ombre double. Ce duo espiègle et facétieux est étonnant : on y joue à cache-cache avec des couvertures ou on y croise un lion qui remue la queue. Déjà remarquée dans Sonate à trois, campe, face au cubain Oscar Chalcon, une lumineuse ballerine. Mobile, la clarinette d', fait écho à la clarinette enregistrée dont le son, spatialisé, nous parvient par vagues. Une belle surprise…

La seconde partie de la soirée est toute entière consacrée au Marteau sans maître, pièce maîtresse de Boulez, toute aussi emblématique du style prisé par dès la fin des années 50, fait de propositions chorégraphiques audacieuses et d'allusions symboliques empruntées au Japon. Les six interprètes masculins, dont certains sont très jeunes, suivent avec personnalité cette partition solaire incarnée par Eve, interprétée de façon spirituelle par Elizabet Ros. Créature manipulées par des hommes en noir, la ballerine oscille entre Coppélia et la poupée de Pétrouchka.

Dans la fosse, , soutenue par la flûte et la guitare, chante en alternance avec les percussions. Par la limpidité du système musical et chorégraphique, alternance d'ensembles masculins accompagnés par les percussions et de soli féminins mis en valeur par la voix de la contralto, ce ballet intemporel se voit avec la même acuité qu'à sa création, il y a cinquante-six ans. On ne peut que se féliciter de voir le reconstituer avec cette pièce, et les deux précédentes, un répertoire davantage conçu pour des solistes que pour un corps de ballet pléthorique qui risque de se perdre sur les scènes géantes des Palais des Sports et autres grands stades.

Crédit photographique : et dans Dialogue de l'ombre double © Laurent Philippe / Opéra National de Paris

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