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Peter Stein, rendez-vous théâtral raté à Lyon

Reprenant la production de janvier 2006, on regrette d'emblée que n'ait pas exploité cette opportunité pour d'améliorer un discours scénique sans inventivité.

Même s'il choisit de montrer ses personnages dans le contexte de la bataille de Poltava dans Ukraine du 18e siècle, comme l'imagine le poème de Pouchkine, les décors et les scènes sont pauvres. Seuls les costumes sont finement colorés.

Alors que le metteur en scène retrouve une distribution essentiellement russe, donc naturellement au courant sinon de l'intrigue de Pouchkine du moins de l'histoire de cette bataille voir de l'opéra de Tchaïkovski, on aurait aimé qu'il profite de cette présence pour exacerber les véritables enjeux des protagonistes. Certes, l'union de Mazeppa alors âgé de plus de soixante ans avec la jeune Maria d'au moins quarante ans sa cadette n'est pas banale pour l'époque mais, ne rend pas leur passion crédible. Un rendez-vous théâtral raté, d'autant plus que la violence des propos du livret justifierait de porter les personnages dans l'excès. Au lieu de cela, traite cette barbarie dans la convention la plus totale.

Dans le rôle-titre, (Mazeppa) qui connaît le rôle depuis longtemps puisqu'il l'enregistrait sous la baguette de Valery Gergiev en 1992 déjà, tire un peu la couverture à lui en se promenant sur la scène comme en terrain conquis sans vraiment se préoccuper des autres protagonistes. Vocalement, son instrument puissant le porte naturellement vers un personnage dur et conquérant où il excelle mais qui l'éloigne de l'authenticité dans les romances amoureuses du second acte. Même si (Maria) possède une voix très bien structurée, son personnage souffre de la prestation distante du baryton russe. Dans la nudité du décor, manquant de charisme, elle ne parvient pas avec la seule aide de sa voix à habiter les scènes intimes. De son côté, le personnage d'Andreï () n'est pas suffisamment caractérisé et apparaît plus comme un amoureux transis que comme un combattant parti reconquérir l'honneur perdu de Maria et venger l'affront fait à sa famille. Dans le rôle du père de Maria n'acceptant pas l'union de sa fille avec Mazeppa, (Kotchubeï) porte bien heureusement l'intrigue hors de la grisaille de la mise en scène et de la direction d'acteurs. Offrant sa voix timbrée à une interprétation magnifique, il déborde d'émotion dans ses trois apparitions scéniques. Au premier acte, alors qu'il tente de s'opposer au départ de sa fille avec Mazeppa, son chant le situe entre la crainte du potentat qu'est Mazeppa et la douleur d'un père voyant son enfant quitter la maison. Au second acte, emprisonné comme traître pour avoir dénoncé un complot de Mazeppa contre le tsar, il habite l'exiguïté de son cachot (la meilleure scène de Peter Stein) avec une présence formidable et bouleversante. Une présence qui culmine dans la scène suivante qui le voit prier avant de monter à l'échafaud. Dans la voix d', les paroles sortent de l'âme investissant le cœur des hommes. A ses côtés, la voix grave de la mezzo (Ljubow) campe la mère de Maria avec profondeur et sensibilité.

La musique lyrique russe privilégie traditionnellement la musique chorale, et le Chœur de l'Opéra de Lyon, remarquablement préparé, offre une prestation d'une qualité exceptionnelle avec un esprit et une sonorité qui n'a rien à envier aux ensembles choraux russes.

Dans la fosse, ne semble pas très inspiré en dirigeant un Orchestre de l'Opéra de Lyon sonnant étrangement plat. Si l'énergie orchestrale ne manque pas, les cordes manquent de brillance, écrasées qu'elles sont souvent par des percussions trop présentes.

Crédit photographique : (Kotchubeï), (Ljubow) ; (Mazeppa), Anatoli Kotscherga (Kotchubeï) ©copyright : S. Stofleth/Opéra de Lyon

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