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Wuthering Heights, l’unique opéra de Bernard Herrmann

Festival des découvertes, Montpellier réservait cette année une belle surprise avec ce Wuthering Heights de , compositeur exclusivement connu pour ses musiques de film.

La genèse de l'ouvrage est elle-même chaotique. Le compositeur y a consacré 8 ans, obsédé par nécessité de prouver qu'il ne faisait pas que de la musique pour l'image. Mais Lucille Flechter, épouse d'Herrmann, n'a rien d'une scénariste d'Orson Welles ou Alfred Hitchcock… Son adaptation de la première partie du roman d'Emily Brontë se concentre trop sur la psychologie des personnages, rendant le texte long, très long, au point d'aboutir à plus de trois heures de musique. De son vivant Herrmann s'est toujours refusé à la moindre coupure, empêchant la création de son opéra qui dût attendre 1966 pour une première exécution de concert à Londres et 1982 pour sa création scénique à Portland (Oregon, Etats-Unis).

La musique de est, on ne s'en étonnera pas, à l'image de ses partitions pour le cinéma. Désespérant de ne pas voir monter son opéra, il reprit nombre d'idées musicales pour des musiques de films devenues célèbres, dont Marnie, Vertigo et North by Northwest. Néanmoins l'absence de développement nuit au discours. Wuthering Heights est fait de cellules mélodico-rythmiques qui s'enchaînent ou de longs tunnels erratiques. De très beaux instants qui se suivent sans réelle homogénéité, ou de longs passages franchement ennuyeux. L'orchestration se fait toujours chatoyante, l'orchestre, utilisé au grand complet, ne couvre jamais les chanteurs et l'écriture vocale est très bien menée. Effectivement, quelques coupures auraient été bienvenues. Mais le compositeur s'y oppose…

Pour servir cette unique représentation, a pris la partition à bras-le-corps. L'écriture brillante de Herrmann est rendue avec fougue par l'Orchestre National de Montpellier – moyennant quelques décalages bien pardonnables avec une partition si longue et exigeante. Les déchainements sonores sont toujours bien contrôlés, cela sonne grandiose sans tomber dans la grandiloquence ou le vulgaire, un piège qui peut être facile avec cette musique post-romantique qui louche souvent vers Delius, Strauss ou Vaughan Williams.

La distribution est aussi de très haut niveau. , malgré un vibrato parfois excessif, défend avec brio la lourde partie de Cathy, la fille hystérique de la famille Earnshaw. Boaz Daniel, jeune baryton israélien, est une des deux découvertes de la soirée. La voix est puissante, le timbre sombre, la ligne de chant toujours bien soutenue, et il sait éviter «l'aboiement» si facile dans ce genre d'oeuvre très expressive – ce que ne fait pas malheureusement , qui compense une certaine faiblesse vocale en surjouant son rôle d'ivrogne. L'autre découverte est la très jeune mezzo , à qui nous ne pouvons que souhaiter le meilleur avenir. Voix homogène, timbrée, puissante, nous lui espérons de judicieux choix professionnels pour que sa carrière soit la plus longue possible. , , Jérôme Varnier et , comprimarii de luxe, complètent cette distribution idéale.

Wuthering Heights reste un peu longuet, malgré de véritables moments de grâce. Peut-être est-ce accentué par la version de concert ? Cet opéra une fois mis en scène, les lenteurs propres à l'œuvre en deviendront sûrement plus acceptables.

Crédit photographique : © Luc Jennepin

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