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Les sept Traces de Matalon sous la voûte résonnante de Saint Merri

Sortie chez Sismal Records au début de cette année (voir notre chronique), la série des Traces (sept à ce jour) pour instrument soliste et électronique en temps réel de était donnée en concert à l'église Saint-Merri : un lieu suffisamment vaste pour laisser s'éployer le son instrumental capté en direct puis transformé et spatialisé ; c'est Robin Meier assisté par le compositeur qui était à la console de projection pour contrôler cette opération délicate et souvent risquée qui, hormis quelques détonations imprévues, fut menée de main de maître.

Ce concert monographique venait couronner cinq ans de résidence dans les studios de où Matalon n'a cessé de creuser les potentialités de la machine pour monter, pièce à pièce, ce qu'il considère aujourd'hui comme «son journal intime». Après Berio et ses Sequenze s'attachant à découvrir l'âme singulière de chaque instrument, Matalon poursuit le même type d'investigation sonore en convoquant cette fois l'électronique pour «transcender les limites spatiales, temporelles et timbrales» sans jamais se défaire du geste instrumental et de la présence, sur scène, des interprètes.

Il s'agissait ce soir des sept solistes de l' dirigé par Philippe Arrii-Blachette qui entretient une complicité étroite et durable avec le compositeur argentin dont on connait les réalisations spectaculaires lorsqu'il s'attaque au film culte d'un Fritz Lang – Metropolis dont l' lui commande la partition – ou d'un Luis Bunuel.

Impressionnantes également sous les hautes voûtes de l'église, ses sept Traces allaient imprimer leur singularité au vu du matériau/source qui les génère et du traitement dont Matalon décide pour chacune d'elle. S'agissant de la matière ductile et très réactive des cordes – l'alto de Gilles Deliège et le violoncelle de Séverine Ballon – Matalon fait naître un univers étrange autant que ludique, variant le grain et l'épaisseur des figures que les instrumentistes semblent dessiner dans l'espace. La flûte élégante et racée de Sophie Deshayes emprunte une course féline qui n'est pas sans évoquer celle de Mémoriale () et ses cohortes de voix résonnantes. Avec la clarinette de , c'est la volubilité de la ligne qui contraste avec la masse des sons multiphoniques dont l'électronique grossit la tache colorée. Traces VII est dédiée à la chanteuse mettant en scène – et en espace – un texte au sens improbable qu'elle s'ingénie à désarticuler sous l'action de modes de jeu virtuoses autant qu'ingénieux. Si Traces IV pour marimba – remarquable Hélène Colombotti – est sans doute la plus séduisante avec sa fantasmagorie sonore qui environne et semble faire chatoyer les lames percutées, Trace III pour cor – exemplaire Pierre Rémondière – est la plus flamboyante, véhiculant une matière riche dans un espace foisonnant où notre magicien du son fait circuler une tension énergétique galvanisante.

Crédit photographique : © Jean Daubas

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