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Katia Kabanova à La Monnaie Andrea Breth décortique Janáček

«L'impression que tout est dit, que la fin est le commencement et que le commencement était déjà la fin». Cette réflexion du chef d'orchestre résume efficacement l'esprit qui anime la nouvelle production du chef d'œuvre tardif de : Kátia Kabanová.

Le public bruxellois est déjà familier de cette œuvre composée une quinzaine d'année après Jenůfa, autre drame villageois et familial. Après les mises en scène de Philippe Sireuil sous l'ère Mortier et de Chirstoph Marthaler sous Foccroule, c'est le travail d' qui est présenté actuellement sur les planches de la Monnaie. La metteur en scène, fidèle à sa méthode de travail héritée de son expérience théâtrale a analysé en profondeur la psychologie des différents personnages. C'est à travers ces profils qu'elle a saisi la matière nécessaire à l'expression d'un décor. Le rideau s'ouvre ainsi sur un espace dont la simplicité formelle ne donne que peu de repères au spectateurs : de vagues pans de murs trop imposants pour suggérer une maison, un traitement du sol qui laisse tantôt deviner des espaces extérieurs, tantôt l'intimité d'un salon. Quelques éléments de mobilier et les éclairages crus d'Alexander Koppelmann finissent d'habiller le décor imaginé par Annette Murschetz. L'impression dominante reste celle d'un malaise, du ver glissé à l'intérieur d'un fruit à l'image de la médiocrité de sa belle-famille qui empoisonne petit à petit l'esprit de Katia.

La direction des acteurs est d'une précision chirurgicale, très riche mais révèle par instants une approche intransigeante de l'œuvre. Le programme rédigé par la Monnaie met d'ailleurs en évidence quelques contradictions entre les commentaires du chef d'orchestre sur sa vision des personnages et la réalisation de la metteur en scène. Ainsi, lorsque parvient à déceler une part d'humanité chez Kabanicha, la présente strictement comme un monstre de perversité. Autre expression de cette radicalité dans l'analyse de l'œuvre : le spectateur ne trouvera dans cette production aucune évocation d'une société rurale, de ce microcosme générateur d'une morale écrasante au point de mener Katia au suicide. La Volga non plus, ne fait pas partie du voyage (dans la production de Carsen, elle était omniprésente), c'est en se coupant les veines au dessus d'une baignoire que Katia fait ses adieux au monde.

La production d' enchaîne donc les images chocs. installe avec talent sur ces images la vénéneuse musique de Janacek, portée aux sommets par l'orchestre remarquable. Le chef d'orchestre maintient en permanence une tension implacable et ce tout particulièrement dans les interludes orchestraux. , déjà remarquée à La Monnaie pour son interprétation transcendante d'Elektra en janvier dernier domine l'excellente distribution par sa grâce et sa subtilité. Renée Morloch incarnant Kabanicha impressionne par la profondeur de son jeu d'actrice. et contrebalancent le pessimisme omniprésent en insufflant au couple Varvara – Koudriach la fougue et la passion qui caractérisent leurs personnages. Enfin, les rôles masculins nous ont également enchantés : est un Boris élégant et généreux tout comme John Graham Hall qui conquis la salle par son interprétation très fine du couard Tichon.

Crédits photographiques : © Bernd Uhlig

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