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La Veuve Joyeuse, des charmes un peu surannés

Respectant la coutume des fêtes de fin d'année et le souhait de son directeur de donner une opérette chaque saison, l'Opéra de Lorraine propose cette année La Veuve joyeuse, énorme succès du compositeur austro-hongrois puisqu'elle bénéficia de plus de trois cent mille (!) représentations dans le monde, rien que du vivant de son auteur.

On retrouve donc avec plaisir le Paris de la Belle Epoque, ses grisettes et ses dandys, l'ambassade du Pontévédro, petit état balkanique en faillite, et la jeune et richissime veuve Hanna Glawari, dont de multiples prétendants se disputent la main… et la fortune. A l'»heure exquise» du choix et de l'amour, ce sera finalement son ancien amant Danilo qui l'emportera, sauvant du coup les finances de la république pontévédrine. Le metteur en scène Stephan Grögler, assisté par Véronique Seymat pour les décors et les costumes, a concocté un spectacle plutôt classique, visuellement réussi et de fort bon goût. Seuls les sols pentus, les portes de guingois et les failles du plancher évoquent les menaces qui pèsent sur cette société grisée de plaisirs, mais cette allusion reste discrète, très loin de la pesanteur avec laquelle Jean-Claude Berutti assénait son message dans Sang viennois. Au second acte, une cage vient encombrer le salon de Miss Glawari et figure le pavillon où viennent se réfugier, littéralement se percher, Valencienne et Camille, Hanna et Danilo. Faut-il en déduire que, pour Stephan Grögler, l'amour (ou le mariage) serait une prison ? Les dialogues mêlent avec humour français et allemand, ce qui ne va pas sans quelques cafouillages dans les surtitres. Pour le reste, les plateaux tournoyant au rythme des valses, les robes gorgées de strass, de plumes et d'aigrettes, les chorégraphies esquissées par les chanteurs et reprises par le ballet répondent à l'attente du public et se conforment à la tradition, au sens noble du terme.

offre un Comte Danilo fort séduisant et superbement chantant, à l'aigu aisé pour ce rôle de baryton qui flirte plus d'une fois avec la tessiture de ténor. Juste un peu trop sage, trop mesuré, sans ce soupçon d'abandon et de vertige qu'on aimerait y sentir. Eléonore Marguerre donne tout son relief à la rouée Valencienne, prestance scénique et voix corsée assurées. Un poil plus effacé, plus nasal de timbre mais authentique ténor léger, Fabio Trümpy finit par toucher en Camille de Rosillon, amoureux éconduit et manipulé par les femmes. Le Baron Zeta débonnaire de Peter Edelman, le bondissant Raoul de ou le Njegus blasé de Carlos Krause complètent avec efficacité une distribution globalement bien équilibrée. Dommage que, dans le rôle titre, incarne une Hanna Glawari aussi transparente et peu consistante. La voix est belle cependant, bien conduite et aux aigus cristallins, quoiqu'un peu légère et souvent couverte par l'orchestre. Mais il lui manque le chien, le chic, l'autorité, la présence pour être la véritable meneuse de revue qu'il y faudrait.

En revanche, on reste admiratif de la versatilité dont fait preuve l', qui semble connaître depuis toujours les secrets du rubato alangui des valses et du clinquant des polkas autrichiennes. Il faut dire qu'à sa tête, le jeune chef viennois se dépense sans compter, marquant soigneusement la rythmique, donnant des départs précis au plateau et obtenant une parfaite cohésion, même dans les tempos les plus vivacissimo. Avec le concours d'un chœur très présent sur scène et parfaitement en place, le brillant et le dynamisme de la musique de Franz Lehar sont vraiment bien servis.

Crédit photographique : (Hannah Glawari) et (Danilo) © Opéra national de Lorraine

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