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Jean-Christophe Saïs met en scène l’Histoire du Soldat de Stravinsky

«J'ai toujours eu horreur d'écouter la musique les yeux fermés, sans une part active de l'œil» disait . «La vue du geste et du mouvement des différentes parties du corps qui la produisent est une nécessité essentielle pour la saisir dans toute son ampleur». Ces propos semblent trouver leur juste résonance dans l'ingénieuse mise en scène que nous propose de cet archétype du fabliau – lue, joué et dansé – qu'est l'Histoire du Soldat (1918), sorte de petit Faust écrit par le poète suisse Ramuz sur lequel Stravinsky exerce toute sa verve sonore : cette production de l'Arcal était donnée, durant deux soirées consécutives, à la Maison de la Musique de Nanterre par l' et son diable de chef jouant ce soir sur les deux fronts, musical et scénique.

Après Les Quatre jumelles de Régis Campo sur cette même scène de la Maison de la Musique, s'attelle ici à l'un des plus purs chefs d'œuvre de Stravinsky et nous offre un spectacle foisonnant d'idées – de véritables «tableaux vivants» empruntant à la machinerie baroque, au cirque, à la danse… – toutes réglées sur le mouvement de la musique qui reste toujours conductrice. Ainsi le Soldat – flexible Mathieu Genet – «plongeant» des cintres sur son fil à quelques mètres du sol – est-il tout à la fois comédien, mime et funambule, situant toute la première partie de l'histoire entre rêve et réalité. Intégrés à la mise en scène dont ils sont les protagonistes, les musiciens jouent le plus souvent par cœur, apparaissant ou se retirant selon le rythme des interventions sonores ; jusqu'à l'arrivée du Diable – en perruque platine – campant ici un personnage plutôt séducteur dans le maintien comme dans la voix (elle manque peut-être d'un rien de perversion) mais non moins trouble et manipulateur. Lorsque le soldat met pied à terre pour aller guérir la fille du roi, Cuniot louvoie entre sa canne et son pupitre, conduisant avec autant d'autorité – la tâche est diablement périlleuse! – ses musiciens dans le Petit concert et la destinée du soldat. C'est (la Princesse), dans une longue robe rouge mi-diable, mi-flamenca dont elle exploitera abondamment les vertus extensibles – elle est danseuse et chorégraphe -, qui tient la scène et capte l'attention durant les Trois danses (tango, valse, ragtime) dans lesquelles elle entraîne le Soldat. Serge Tranvouez (le Narrateur), présent sur tous les fronts, assume honorablement la tâche la plus délicate peut-être en nous surprenant parfois par des accélérations de débit assez humoristiques. La palme revient enfin aux sept musiciens – mention spéciale à Noëmi Schindler pour la tonicité et l'engagement de son jeu – qui viennent relancer de manière éblouissante chaque étape de la narration par l'expressivité des timbres et l'acuité des rythmes. Si le Grand Choral redoutable de la dernière scène est un rien fébrile, le solo de caisses en guise de ponctuation – retentissante Claire Talibart – par la radicalité de ses options nous laisse sans voix.

Crédit photographique : photo © Maison de la musique de Nanterre

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