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Agora 2011, entre paroles et musique

Prima la musica, doppo le parole: c'est un débat qui animait secrètement le concert donné dans le cadre de la 5ème Biennale d'Art Vocal de la Cité de la Musique et du festival Agora de l'Ircam ; les y rencontraient l' dans un programme où ces deux formations alternaient d'abord puis fusionnaient dans la Cantate n°1 de .

D' d'abord, nous entendions la pièce vocale Animus Anima II, étrange autant qu'insaisissable, dans laquelle le compositeur italien entend « éviter tous les pièges de la syntaxe » qui contraint, selon lui, le rapport texte/musique. Ce sont donc des réservoirs de mots italiens qui président à l'élaboration vocale des quatre étapes de l'oeuvre: Incipit, Eros, Vox et Anghelos. S'emparant du binôme Ame/Esprit de la psychologie de Carl Jung, Fedele tente à travers ces associations de mots chantés mais aussi parlés voire « traités » musicalement, de « faire résonner l'Animus ». Partant d'un mouvement très étal dans Incipit, la texture sonore s'anime progressivement jusqu'à une fluidité polyphonique admirablement rendue par les sept solistes dans Anghelos… mais le propos un rien étrange peine à convaincre.

Pour , Par ici ! – titre prélevé du poème de Baudelaire Voyage – n'est qu'une esquisse de l'œuvre vocale à venir. Première approche de l'outil informatique Ircam pour le compositeur autrichien, Par ici ! met à l'œuvre les potentialités d'un clavier MIDI permettant de modifier l'accord des touches au cours de l'oeuvre.
Cette instabilité microtonale exploitée par Staud confère à l'écriture une sorte de fragilité bienvenue dans son univers intimiste et délicat. Dirigée avec une précision irréprochable par à la tête de son ensemble, l'oeuvre courte mais intense projette sa sphère lumineuse par éclats diffractés et finement ciselés qui révèlent la manière aussi personnelle qu'inspirée du musicien.

Même s'il avoue ne pas/plus aimer sa Cantate n°1 (propos recueillis dans les coulisses!) n'affirme pas moins une maîtrise accomplie de la grande forme dans cette pièce pour six chanteurs et ensemble qui se construit sur dix poèmes aux sonorités profondes de Rainer Maria Rilke: un montage qu'il réalise lui-même pour élaborer une trame dramaturgique à sa convenance. Aux sept chanteurs s'ajoutent six instrumentistes qui sont la résonance et la relance des voix mais aussi la charpente de la forme musicale par le biais des intermèdes et le jeu de leur retour. Mantovani exploite également la diversité des volumes et des couleurs vocales, confiant par exemple au haute-contre – lumineux – le chant du premier poème, Il fait encore jour sur la terrasse.

Quant au rapport texte/musique, il faut évoquer ici l'art subtil des madrigalistes  suscitant des correspondances plus ou moins directes entre la figure et le mot, la couleur instrumentale et la Stimmung du poème : un travail défiant tout pathos et mené avec l'économie et l'efficacité du geste mantovanien. Dans l'interprétation, sensible autant qu'exemplaire, de ces deux ensembles prestigieux, la poésie de Rilke trouvait ce soir son écrin sonore idéal.

Crédit photographique : © Simon Fowler

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