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L’inattendu Mahler de Gergiev

Avec cette Symphonie n°9, termine son intégrale des symphonies de Mahler commencée en 2007.

Il restera dans l'histoire comme le second chef de l'école russe à boucler une intégrale de ces symphonies après celle de Svetlanov pour Melodiya. Bénéficiant d'un LSO techniquement supérieur dans tous les compartiments de jeu, Gergiev surclasse aisément son légendaire ainé. Mais est-ce suffisant pour marquer une discographie pléthorique ? La réponse sera mitigée !

Cette intégrale est inégale, à l'image de  la personnalité musicale de Gergiev capable du meilleur comme de la pire routine. Les grandes réussites (Symphonies n°2, n°6 et n°8) côtoient des interprétations très décevantes (Symphonies n°4, et  n°5) ou des lectures propres mais sans génie particulier (symphonies n°1 et n°3 ou n°7 ).  On se demandait ce que pouvait donner Gergiev dans une symphonie aussi douloureuse et dramatiquement intense comme la Symphonie n°9. Le résultat est aussi inattendu que pertinent et le chef signe même l'une des plus belles versions des années 2000 avec celles de Salonen (Signum), Rattle (EMI) ou Riccardo Chailly (Decca).

Les concerts parisiens, assez proches de la captation de cet ultime volume de l'intégrale, montraient déjà un chef à son affaire. Son discours est logiquement assez brassé et vise à une théâtralisation des effets de cette musique. Mais sa baguette, n'est jamais lourde ou démonstrative, à l'inverse de celle d'un Maazel par exemple. Avec des tempi assez rapides, le chef va toujours de l'avant avec logique et sens des gradations. Le traitement de la pâte sonore se fait plutôt dans une optique expressionniste et burinée où les contrastes sont bien marqués ! Le premier mouvement est assez brassé, tumultueux et ténébreux comme un ciel traversé par des orages orchestraux. On est ici très loin des Mahler conceptuels et tirés au cordeau ou rien ne dépasse. La masse orchestrale semble ainsi râler et agoniser sous cette battue sans concessions qui ne ménage pas les auditeurs. Les mouvements centraux poursuivent dans cette optique convulsive et cauchemardesque avant que l'interprétation ne débouche sur un étouffant Adagio final.

Le LSO n'a pas le fini rectiligne d'orchestres comme Amsterdam ou Berlin, même si le galbe mat et tranchant des cordes témoigne des phalanges d'élites ! Mais le son et la puissance des pupitres  sont au diapason de la lecture du chef.

On écoute et on réécoute avec beaucoup de satisfactions ce disque qui reviendra souvent sur la platine. Dans une optique brassée,  Gergiev signe ici l'une des versions les plus pertinentes aux côtés d'Ancerl (Supraphon), Bernstein (DGG), Tennstedt (EMI), Neumann (Berlin Classics).

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