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Les Noces de Figaro : sublime Hélène Guilmette à Montréal

Premier pavé jeté à la face d'une aristocratie corrompue qui débouchera, comme l'on sait, sur la Révolution française, Les Noces de Figaro ou la Folle journée du tandem Mozart/da Ponte n'a jamais aussi bien porté son nom.

Dès l'Ouverture, nous sommes emportés dans le maelström des péripéties qui ne s'arrêtera plus. Ce qui est remarquable dans la production de l'OdeM, c'est le travail d'équipe, d'avoir mis sur pied une véritable troupe aguerrie aux jeux de scène et au service de la pièce. La mise en scène de Tom Diamond, que certains jugeront trop traditionnelle, est d'une efficacité redoutable. Rien pour brouiller les pistes, mais une scénographie avenante avec costumes d'époque, dans un espace-temps qui va droit au but. D'une irrésistible drôlerie, elle cède vite la place à la profondeur des sentiments. Sous le feu des éclairages d'Anne-Catherine Simard-Deraspe, celle-ci crée pour chaque personnage ou situation, une atmosphère appropriée. Cela a pour résultat un spectacle de près de trois heures où nous sommes rivés à nos sièges, captivés par une intrigue (que l'on connaît par cœur) et qui avance rondement. Aucun temps mort, l'œil et l'oreille sont constamment sollicités par le chant et le jeu des comédiens. D'ailleurs, le décor lui-même participe aux revendications légitimes de la classe opprimée. Un immense panneau rappelle la Déclaration des droits de l'Homme, un autre, la date de création des Noces. Plus de liberté, plus de justice. Œuvre du XVIIIe  siècle, vraiment ? Cela est d'une actualité criante, voire menaçante.

Aucun démérite du côté des chanteurs avec une nette préférence pour la soprano , – que de chemin parcouru depuis sa Servillia dans La Clémence de Titus ! – qui tient la pièce à bras-le-corps. Toujours crédible scéniquement et d'une efficacité confondante, la voix, le geste, tout y est. Le Giunse alfin il momento – Deh vieni, non tardar est une page d'anthologie à conserver dans nos mémoires. Elle a le physique de l'emploi et l'âge du personnage. Les multiples facettes du caractère de Susanna lui collent à la peau. C'est l'intelligence du texte dans un chant pur,… mozartien. Du grand art ! Figaro, interprété par est lui aussi admirable. Son jeu est fascinant, à l'instar de Susanna. À l'aise sur scène, les manigances du valet d'Almaviva font mouche à tout coup.

Le baryton dans le rôle du Comte inspire la crainte à qui l'approche, et l'omnipotence du personnage fait contrepoids face à l'épouse outragée, à la noblesse de cœur de la Comtesse. Il campe un personnage fier et orgueilleux, tyrannique et ses emportements le desservent parfois jusqu'à employer une voix quelque peu… outrecuidante.  Nicole Cabell retient l'attention (et l'oreille) par la richesse de son timbre, une voix puissante, ronde mais capable de pianissimi. Ses deux grands airs – Porgi amor et Dove sono – ont été longuement salués par le public.

Le Page Cherubino de , est rayonnant de vivacité, de santé juvénile et de drôlerie. La mezzo a le physique du jeune adolescent un peu maladroit. Par contre, le saut exécuté de la chambre de la Comtesse est ridicule. Parions que cette gaucherie sera corrigée dès la deuxième représentation. Mais comment ne pas succomber au charme de ses deux airs : Non, so più, et Voi che sapete.

D'ordinaire, le rôle de Marcellina est joué par une femme d'âge mur.    N'est-elle pas la mère de Figaro/Rafaello ? ne réussit pas tout à fait à nous le faire croire. Du docteur Bartolo d' retenons bien sûr, son air de La vendetta qui est bien mené. Rien à redire d' dans les deux petits rôles de Don Basilio et Don Curzio.  Notons la voix fraîche et limpide de Frédérique Drolet dans l'air de Barbarina au quatrième acte. Philip Kalmanovitch  dans Antonio, complète la distribution.

L', sous la direction de , toujours attentif aux chanteurs, rend hommage à la musique du divin Mozart.

Premier opéra de la saison 2011-2012, c'est une excellente production de l'Opéra de Montréal. À ne rater sous aucun prétexte.

Crédit photographique : © Yves  Renaud

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