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La Chauve-Souris fait danser Strasbourg

Trêve des confiseurs oblige, l'Opéra national du Rhin sort le strass, les paillettes et les bouteilles de champagne pour accueillir dignement La Chauve-Souris dans une nouvelle mise en scène du jeune .

On lui saura gré de nous avoir épargné les relectures historiques de ce chef d'œuvre emblématique de la Vienne de François-Joseph, sur le mode fin de règne, danse sur un volcan voire montée du fascisme. Rien de tout cela dans cette scénographie élégante de tentures rouges, de sofas, de miroirs et de grands lustres cages, de smokings et de robes à faux-culs, où le champagne –der König aller Weine– coule à flots, conformément à la tradition. La fête chez Orlofsky manque de virer au lupanar, mais juste pour s'encanailler ce qu'il faut. Et après tout, on imagine bien que les grands bourgeois de l'époque ne restaient pas de marbre parmi toutes ces soubrettes, danseuses et jeunes premières aux dents longues ; ils en avaient même fait un style de vie ! La direction d'acteurs très fine et soignée y ajoute des touches d'humour ou de comique toujours en situation et jamais triviales et la chorégraphie légèrement décalée de Joshua Monten, à laquelle chanteurs et choristes participent, amène son énergie roborative. Parfait pour un spectacle tout public de fin d'année.

apporte à Eisenstein velouté du timbre et puissance, ainsi que de réels dons d'acteur ; la tessiture aigue du rôle le malmène cependant quelque peu, l'obligeant à passer en force ou à alléger en voix de tête. La Rosalinde de est, quant à elle, magnifique de bout en bout ; ronde, homogène, timbrée avec caractère, la voix s'épanouit dans un aigu pulpeux et des trilles superbement exécutés. En Adèle, offre une forte personnalité, une virtuosité respectable et un suraigu aisé, quoique parfois d'une justesse et d'une projection limites. déçoit en Comte Orlofsky, peinant à souder ses registres, manquant d'autorité et de superbe. Christian Baumgärtel compose un Alfred lunaire fort drôle, passant son temps à entonner en situation les grands airs du répertoire (jusqu'à « Ô Paradis » de l'Africaine de Meyerbeer !) et le Dr Falke de Wiard Witholt tient son rang, toujours digne vocalement, ainsi que le Frank, certes plus acteur que chanteur, de Rainer Zaun. Enfin, le comédien Jean-Pierre Schlagg nous gratifie en Frosch d'un hilarant –quoiqu'un peu long– numéro de comique alsacien, entre le Muppet Show pour les protestations de spectateur mécontent depuis la loge d'avant-scène et la tradition des chansonniers pour les allusions à l'actualité.

Après une ouverture un peu raide et trop métronomique, la direction nette et carrée de emporte le spectacle dans des tempi globalement vifs et rythmés, parfaitement adaptés. Il ne parvient cependant pas à éviter plusieurs décalages, notamment avec le chœur toujours vaillant mais qu'on a connu plus en place, ni à atténuer l'aridité des cordes et la trop grande présence des cuivres d'un concentré mais bien peu viennois de sonorité.

Crédit photographique : © Alain Kaiser

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