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Coffret Mercury : un rêve de collectionneur

Apparemment, la mode est aux méga boîtes à prix relativement doux, et même les labels les plus célèbres sont entrés dans le jeu : nous avons ainsi bénéficié de la RCA Living Stereo 60 CD Collection, des anthologies DGG 111 en 55 et 56 CD, du Decca Sound en 50 CD, sans compter les coffrets dévolus à un artiste en particulier (Bernstein, Heifetz, Rubinstein…)

Or voici que Mercury entre également dans la danse avec son « Mercury Living Presence – The Collector's Edition » en 51 CD, et c'était peut-être celui auquel on s'attendait le moins – mais que l'on désirait le plus ! – car il semblait que la plupart des CDs de ce label n'étaient plus disponibles depuis pas mal de temps. La publicité renseigne cette édition limitée comme « An Audiophile Collector's Dream », un rêve de collectionneur audiophile. Et c'est vraiment bien le cas de cette publication qui, contrairement aux autres, risque de ne plus se représenter sous une forme ou une autre pendant bien longtemps. Incidemment, on souhaiterait que EMI Classics en fasse tout autant avec sa série vraiment trop éphémère Capitol Full Dimensional Sound…

Au tournant des années 40-50, l'utilisation de plus en plus généralisée de la toute nouvelle bande magnétique permit la floraison de labels indépendants aux côtés des majors tels que CBS et RCA-Victor aux USA. Mercury en est très certainement l'un des plus célèbres : fondée en 1945 d'abord comme étiquette « pop » en comptant des artistes de variété tels Frankie Laine, The Harmonicats ou les célèbres Platters (Only You…), la firme américaine entreprit ses propres gravures classiques dès avril 1951 avec des artistes de renommée internationale comme , , , auxquels on peut ajouter des talents locaux nommés et Frederick Fennell. Lorsque Mercury cessa ses activités d'enregistrements classiques en novembre 1967, il s'était allié d'autres musiciens tels Gina Bachauer, , , , Stanisław Skrowaczewski… Tous sans exception sont représentés dans ce fabuleux coffret, dans des enregistrements de légende dûs à un ingénieur du son de génie, Robert Fine (1922-1982), et à sa femme, la directrice artistique Wilma Cozart Fine (1927-2009). C'est cette dernière qui entreprit elle-même, dans les années 90, la mise en CD d'une grande partie du catalogue, ce qui fit évidemment le plus grand bonheur des discophiles et mélomanes qui trouveront ici, en CD bonus (n°51), son interview orale expliquant la philosophie artistique et technique de Mercury Living Presence.

Bien sûr, tout n'est pas présent dans ce coffret, puisque Wilma Cozart Fine avait transféré l'équivalent de près de 140 CDs – et d'ailleurs on espère bientôt au moins un album volume 2 ! – mais les 50 disques ici choisis sont bien représentatifs de l'éclectisme de la productrice : le boulimique se taille évidemment la part du lion, quoique minuscule devant sa discographie complète, et avec un minimum de doublons vis-à-vis du coffret Bartók ; par contre nous y retrouvons l'entièreté des superbes gravures de Gina Bachauer (dans des concertos pour piano de Beethoven, Brahms, Chopin, et des pages pour piano solo), de (déjà chroniquées lors de l''édition Brilliant Classics), de (concertos pour violon de Brahms, Khatchatourian, Mendelssohn, Schumann, et des pages pour violon-piano), de la famille des guitaristes Romeros, ainsi que pratiquement tout .

D'un autre côté, on regrette le peu de disques consacrés à deux piliers de Mercury, après Doráti : (seuls deux disques Berlioz, Suppé, Auber n'offrant par ailleurs aucun doublon avec son coffret de musique française) et qui a tant fait pour la musique américaine, y compris la sienne ; et encore plus de regrets de l'absence totale des précieux enregistrements du légendaire organiste et du claveciniste (élève de la grande Wanda Landowska) qui nous avait somptueusement révélé des pages du Padre . Leurs enregistrements auraient pu se substituer favorablement aux CDs consacrés à la Guerre de Sécession, qui ne nous concernent que fort peu et dont le contenu musical est d'ailleurs plutôt mince, ou aux diverses marches (dont celles de John Philip Sousa) fort bien interprétées au demeurant, avec dignité, punch et enthousiasme, par l'excellent Frederick Fennell.

Mais ne faisons pas trop la fine bouche : tel quel, ce coffret Mercury reste assurément « An Audiophile Collector's Dream », tout en espérant que ce rêve de collectionneur se prolonge par une deuxième, voire une troisième boîte, afin de faire totalement honneur à ce label américain de légende qui aura marqué l'histoire de la musique enregistrée par l'exceptionnelle qualité technique et artistique de ses réalisations, et révélé de fabuleux musiciens. Signalons enfin que la liste détaillée des œuvres présentes dans ce coffret est consultable sur le site Decca Classics.

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