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Ernest Ansermet et le répertoire russe

Inondée de musique, russe d'un bout à l'autre, généreuse, un tantinet barbare, la Symphonie n°2 en si mineur d', parfois surnommée « Épique », a toujours à juste titre été populaire au disque, même au temps du 78 tours. Elle avait éclipsé les deux autres symphonies jusqu'à ce que grave la Symphonie n°1 en avril 1955 (EMI). À la même époque, deux grands chefs allaient nous offrir en un seul disque les Symphonies n°2 et n°3 : en septembre 1955 (EMI) et en octobre-novembre 1954 (Decca). Leurs interprétations restent parmi les plus extraordinaires confiées au disque, et Malko avait l'avantage d'un Philharmonia en toute grande forme (avec notamment Dennis Brain au cor). Mais Ansermet avait deux atouts non négligeables : le complément de l'ouverture du Prince Igor, et une prise de son en magnifique stéréo de la première heure (alors que paradoxalement elle est la plus ancienne, mais c'est Decca !) Par ailleurs l' a toujours été en totale osmose avec la musique russe.

Le CD Borodine sous rubrique, réalisé par Decca Eloquence Australie toujours génial dans ses couplages, a joint à ces œuvres les Danses Polovtsiennes du Prince Igor, ainsi que Dans les Steppes de l'Asie centrale, proposant ainsi en un seul CD bien rempli toutes les œuvres de Borodine enregistrées en stéréo par Ansermet. Ce dernier avait déjà gravé les Steppes en mono en juin 1953 (avec l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire), mais la version stéréo plus récente de février 1961 la surclasse aisément. Ainsi publié, ce CD est l'anthologie Borodine idéale, en des interprétations extrêmement vivantes et rayonnantes, précises et chaleureuses, témoignage évident des affinités d' envers la musique du très attachant compositeur-médecin-chimiste russe.

Le double CD suivant n'est pas moins intéressant, nous rappelant opportunément le rôle essentiel d' dans la musique de ballet, lui qui fut l'un des piliers de Ballets Russes de Diaghilev. occupe une place de choix chez le chef suisse et chez Decca : le poème symphonique Stenka Razine fait partie des tout premiers enregistrements stéréo (en mai 1954) d'Ernest Ansermet et du label britannique, tandis que le ballet Les Saisons et les deux Valses de Concert sont parmi les dernières gravures du chef en 1966. Par ailleurs Decca semble apprécier particulièrement Les Saisons, ayant déjà fait appel au grand chef français Albert Wolff pour les enregistrer en mai 1956 ; mais l'attrait supplémentaire d'Ansermet fut d'y adjoindre les deux belles Valses de Concert, pratiquement inconnues à ce moment. En novembre 1989 et septembre 1990, c'est qui entrera dans la danse pour offrir à Decca une troisième version des Saisons, cette fois couplées au Casse-Noisette de Tchaïkovski.

Glazounov fut également l'auteur d'orchestrations d'œuvres de Chopin (Chopiniana) et de Schumann dont Carnaval fut en fait une collaboration avec d'autres compositeurs russes, dont Rimski-Korsakov, et Nikolaï Tcherepnine. Par après, à la demande de , réalisa en 1914 une orchestration de Carnaval restée inédite et à l'état fragmentaire, et ce fut donc la version russe complète de 1910 qui prévalut. Ansermet en légua la version intégrale somptueuse proposée ici, après d'ailleurs en avoir mis précédemment des extraits sur disque, dont une gravure acoustique accomplie lors d'une tournée en 1916 à New York avec l'Orchestre des Ballets Russes de Diaghilev (rééditée en CD Cascavelle VEL3119). Tout bien pesé, malgré l'habileté de cette orchestration parfois un peu ampoulée, et qui reste anecdotique comme témoignage d'une époque, il est indiscutable que la version originale de Schumann pour piano solo soit nettement préférable.

Plus intéressantes sont les pages de Glinka, et surtout celles de Liadov, miniatures orchestrales, petits joyaux qu'Ernest Ansermet fut l'un des tout premiers à mettre en microsillon stéréo avec son talent incomparable d'orfèvre, notamment les adorables mais rares huit Chants Populaires Russes op. 58 dont avait bien auparavant deviné les beautés, et fut le champion avec toute la ferveur qu'on lui connaît. Ici encore, Decca Eloquence Australie a rassemblé judicieusement l'entièreté des gravures stéréo de ces trois maîtres russes, accomplies par Ernest Ansermet.

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