- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Macbeth à Lyon, une idée ne fait pas l’opéra

Les « Macbeth » de théâtre d'aujourd'hui ne sont plus des dictateurs à lunettes noires avec leurs soldats, ils sont passés dans le camp des banquiers, des traders de la City et autre Wall Street. C'est le parti pris par pour sa mise en scène du Macbeth de à l'Opéra de Lyon.

C'est dans le décor d'un bureau gris sans âme, avare de meubles, avec une multitudes d'écrans d'ordinateurs crachant leurs statistiques, leurs cotations en bourse et leurs graphiques que le metteur en scène belge choisi de raconter l'intrigue. Mais, une idée ne fait pas l'opéra. Surtout quand elle ne tient pas la route plus de cinq minutes après le lever de rideau. Dans son opéra, Verdi et son librettiste s'en tiennent aux personnages de la pièce de Shakespeare. Si le mythe profond de Macbeth est universel, les mots du livret de l'opéra de Verdi ne souffrent pas l'adaptation au monde de la finance, plus sournois que celui des militaires.

L'imagerie shakespearienne de Macbeth, reprise dans l'opéra de Verdi, met en scène certains personnages irréels, fantastiques, cadrant mal avec l'hyper réalité quasi cinématographique du propos scénique d'. Ainsi, au début de l'opéra, Verdi entre en propos avec des sorcières, prédicatrices prophétiques de l'avenir de Macbeth et de son possible subconscient. Difficile dès lors de voir en elles les secrétaires et autres employées de bureau que nous montre le metteur en scène belge. Un décalage scénique et temporel incongru rendu encore plus flagrant quand, dans l'opéra de Verdi, ces mêmes sorcières chantent la préparation d'un philtre susceptible de sortir Macbeth de son délire. Un bouillon de crapauds, de langues de vipère, de plumes de chat-huant, de doigts de nourrissons étouffés à la naissance et autres sucreries du genre. Là, dépassé par le livret ne sait comment aborder l'instant. Alors, il se contente de faire chanter ce chœur de jeunes et jolies filles dans un coin de la scène, en espérant faire passer la pilule de son incompétence. Et tant pis, si la scène n'a plus aucun sens.

La volonté d'Ivo van Hove de montrer des personnages communs comme pour signifier que la soif de pouvoir n'est jamais qu'une expression de l'égo de tous est en soi une louable intention. Sauf que, chez Shakespeare et chez Verdi, Macbeth et sa Lady ne sont pas des personnages communs. Alors, quand dans son air final, Lady Macbeth ressent la honte de ses traîtrises et de ses instigations au meurtre, et qu'elle cherche par tous les moyens d'effacer la tache du sang qu'elle a fait couler, son attitude absente laisse le spectateur dans l'incompréhension. Une direction d'acteurs trop molle efface les enjeux de l'intrigue. La scène du brindisi est particulièrement marquante à ce sujet. On y voit l'arrivée de plusieurs plateaux chargés de moult flûtes à champagne, mais seul quelques verres sont levés. Une action recherchée par le livret, mais dont la portée se voit minimisée par manque d'investissement scénique. Ainsi, un spectateur ignorant de l'histoire de Macbeth comprendra difficilement ce à quoi il assiste sans avoir le regard constamment fixé sur les surtitres.

Heureusement, la distribution vocale est suffisamment remarquable pour que l'ennui de la mise en scène ne prenne pas le pas sur la musique. Et la musique vit. Intensément. Grâce à la superbe direction musicale du chef permanent de Kazushi Ono. Ciselant sa musique sans pathos, sans artifice, il imprime la partition verdienne d'une verve et d'une vitalité bienfaisantes. Emmenant un brillant et coloré orchestre de l'Opéra de Lyon, Kazushi Ono porte une attention toute particulière aux chanteurs et au chœur (excellent), leur offrant un accompagnement orchestral taillé à leur mesure.

Si l'italianité toute verdienne de la basse (Banquo) remporte les suffrages, les autres protagonistes sont à des degrés divers fort valeureux. Annoncée souffrante, la soprano géorgienne (Lady Macbeth) offre néanmoins une prestation des plus honnête. Toutefois, ce rôle demande une interprète vocalement autrement mieux équipée que ne l'est Mme Tamar pour donner la mesure de ce personnage tel que l'avait conçu le maître de Busseto. A ses côtés, le baryton campe un Macbeth de bonne facture même s'il manque parfois de nuances et de variations de couleurs. Chantant souvent en force, encore vert, il s'est laissé prendre au piège de la fatigue du rôle pour terminer l'opéra avec une vocalité douteuse.

Dans cette distribution provenant essentiellement des pays de l'Est (comme si l'Italie manquait de chanteurs !), le ténor (Macduff) crée un agréable surprise dans sa romance « O fligli, o figli miei ! » chantée avec un très beau legato. Le duo final avec le ténor (russe lui aussi) Viktor Antipenko (Malcolm) était aussi l'un des meilleurs moment de cette soirée.

Crédit photographique : Inao Tamar (Lady Macbeth) ; (Macduff) © Opéra de Lyon/Jean-Pierre Maurin

(Visited 751 times, 1 visits today)