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Christian Lindberg : Pettersson est géant !

Le 25 novembre dernier, envoyait cette adresse sur un fameux réseau social : « Ayant maintenant vécu 6 mois avec la Neuvième Symphonie de Pettersson, je suis TELLEMENT impatient de démarrer le travail avec l'orchestre demain ! Pettersson vous rentre sous la peau, et vous ressentez effectivement sa douleur qui travaille avec sa musique. Alors pourquoi est-ce qu'on l'aime tant ? IL A EXPRIMÉ MUSICALEMENT LE DESESPOIR HUMAIN ! Et d'une manière étrange, à la fin de ses symphonies on se ressent comme au paradis. Pettersson est GÉANT ! »

Ces propos auraient pu tout aussi bien s'appliquer à la Symphonie n°6 enregistrée par Lindberg au début de cette année, et qui constitue le premier chef-d'œuvre incontestable d', où sont réunies toutes les caractéristiques du compositeur, la violence et la souffrance transfigurées par une orchestration rude, âpre mais captivante et traversées par des îles lyriques subjuguantes de beauté.  Avec les Symphonies N°7, 8, 9 et 13 et le Concerto pour violon n°2, cette Sixième fait partie des sommets de la production de Pettersson.

avait déjà fortement impressionné la critique internationale avec ses précédents essais, collectionnant les Clefs ResMusica pour ses trois premiers essais comme autant de coups de maître, le Concerto pour orchestre n°3 et les premières discographiques des Huit mélodies aux pieds nus orchestrées par Antal Dorati et de la Symphonie n°1.

Avec la Symphonie n°6, allait-il relever le défi ? Oui, absolument. Mais à sa manière. Non qu'il détourne Pettersson, mais il l'emporte dans la réalité du XXIème siècle, où la violence est aussi présente qu'au siècle précédent, mais mesurée, chiffrée, analytique. Lindberg l'hyperactif, l'extraverti, le communicateur, le conducteur de motos et de voitures de sport rouges, regarde Pettersson, le malade, le chétif, le reclus, l'irascible, et par une alchimie qui dépasse l'entendement, ces deux-là communiquent et nous restituent cette musique avec une force et une fraîcheur comme si elle avait été composée pour notre monde d'aujourd'hui, et non il y cinquante ans. Et ce visuel de couverture, décliné album après album, où Lindberg fait face à Pettersson, prend désormais tout son sens : Lindberg n'interprète pas la musique de Pettersson, il ne la magnifie pas, il ne la sert pas, il la vit comme une rencontre, un échange d'homme à homme, qui parle à chacun d'entre nous de nos combats, pour que nous tenions toujours debout.

Cette version s'impose au sommet de la – courte – discographie, qui se résume à en 1976 par le même orchestre (CBS, réédité en CD par Haydn House) et en 1993 avec le Deutsches Symphonie Orchester Berlin (CPO). Par sa concentration, ses qualités analytiques qui rendent transparente une instrumentation que des interprétations moins travaillées font paraître touffue, par sa gestion du temps, elle donne à la symphonie une unité qui n'apparaissait pas ailleurs. Les deux autres versions marquaient nettement la séparation entre la première moitié de la symphonie, tourmentée, et la seconde, lyrique et tragique comme une immense coda, et ce que l'on gagnait en émotion immédiate était perdu par un sentiment de déséquilibre dans la construction de l'œuvre. Lindberg, lui, gère ses effets de manière habile et distille les temps forts tout au long de l'œuvre, lui redonnant une unité qu'on ne lui connaissait pas.

Secondé par une prise de son superlative, réaffirme la puissance expressive, l'actualité morale et l'intégrité musicale de l'œuvre d', et il le fait avec une force inédite.

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