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Munich : Rigoletto ou le trou du souffleur

Heureusement qu'il y ait le trou du souffleur, point d'attraction principal du nouveau Rigoletto munichois. C'est là que les chanteurs se retrouvent pour délivrer, face au public, leurs airs et duos.

C'est un concept shakespearien nous apprend , homme de théâtre hongrois, dans le programme. Apparemment, pour lui, le théâtre de Shakespeare se caractérise non seulement par l'absence de décors, mais aussi par une absence quasiment totale de toute direction d'acteur.

Ne soyons pas ingrats, il y a quelques idées aussi dans cette mise en scène. Ainsi, Rigoletto est tout sauf bossu. Son handicap – dont, pourtant, il ne cesse de parler – n'est qu'intérieur, nous rappelle Schilling. Au premier tableau, le chœur est assis sur d'immenses tribunes, au milieu de figurants et de mannequins, tous vêtus de costumes clairs. Tant pis si la musique nous peint une scène de bal. Giovanna et Maddalena sont ici un seul personnage, tout comme Monterone et Sparafucile. Ce dernier d'ailleurs, se promène avec un fauteuil roulant aux roues gigantesques. Pourquoi ? Nous ne le saurons pas. C'est dans ce fauteuil que Gilda, vêtue d'une robe de mariée, prend place pour se faire tuer, alors que Maddalena vide un sceau de peinture noire sur elle. Evidemment, Gilda reste bien visible lorsque Rigoletto revient. Mais pourquoi, diable, croit-il tenir en ses mains le corps du duc ? Là non plus, nous ne le saurons pas.

Arrêtons-là et parlons musique, car musicalement, cette première est une grande réussite. n'est, certes, qu'un chef routinier, et sa direction, de bout à bout professionnelle, manque de raffinement. Mais quelle distribution ! Aux côtés d'une Maddalena efficace,  fait valoir une voix de basse imposante, dont la noirceur s'avère idéale à la fois pour Monterone et Sparafucile. Doté d'une voix à la fois puissante et souple, campe un Rigoletto de premier ordre, nous rappelant les plus grands interprètes du passé. Phrasant avec élégance, capable de superbes nuances, il fascine le public avec des aigus ravageurs. A ses côtés, , est la plus merveilleuse des Gilda. Pure et fragile au premier acte, elle affronte sans difficulté aucune les passages plus dramatiques qui s'ensuivent, nous gratifiant, elle aussi, d'aigus royaux. Plus encore, son chant est à tout moment gorgé d'émotion, nous faisant ainsi oublier, à plusieurs reprises, le vide scénique. , en revanche, nous paraît bien gauche sur scène en absence d'une main directrice. Dès le début, il nous rappelle plus un étudiant amoureux qu'un duc tyrannique emboîtant le pas à Don Juan. Vocalement, si, à certains moments, nous aurions aimés un peu plus de mordant dans le timbre, son chant rayonnant, ses aigus faciles et lumineux et son art des nuances nous enchantent. A la fin, c'est donc la musique de Verdi qui sort gagnante de cette soirée. Heureusement !

Crédit photographique : (Rigoletto),  (Sparafucile) © Wilfried Hösl

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