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Le Concert Spirituel fête son 25e anniversaire

Voici une découverte et une belle surprise : pour célébrer les vingt-cinq ans d'existence du Concert Spirituel, a choisi de rendre hommage à , un compositeur négligé de nos jours, dont la vie se situe à la croisée des époques et des styles.

Trois étapes peuvent être distinguées dans sa carrière de musicien. La première d'entre elles remonte à la Grande Révolution française où il a écrit, au cœur de la terreur, des marches militaires et des hymnes pour les fêtes révolutionnaires. Puis, de 1795 – soit depuis la création du Conservatoire dans lequel il est désormais nommé professeur d'harmonie – à 1802, il a le goût pour l'écriture de la musique de chambre. En fin de compte, il s'est lancé, entre 1802 et 1818, dans une carrière de compositeur d'œuvres lyriques, ce qui lui a assuré une renommée non seulement dans son pays, mais aussi hors de ses frontières.

Bien qu'ayant été élève de François-Joseph Gossec, partisan des idées de Piccinni qui optait pour la dominance de la mélodie dans la musique, Catel s'est penché vers les questions d'harmonie et a fait éditer, en 1802, le Traité d'harmonie devenu – pendant plus de deux décennies – le seul guide des professeurs d'harmonie en France. Comme l'estime Alexandre Dratwicki dans l'essai Redécouvrir « Sémiramis », intégré au livret de cet album, l'ouvrage théorique de Catel se place entre les écrits du même genre de Rameau et ceux de Bazin et Reicha. Il est cependant à noter que, d'après Dratwicki, Catel « sait tirer de l'enseignement de Gossec des composantes qu'il se réapproprie dans un style mixte, attentif au chant comme aux accords, style du consensus qui lui permettra de composer dans tous les genres ».

Pour ce qui est de Sémiramis, l'œuvre a été créée en 1802 au Théâtre des Arts de Paris (c'était le nom de l'Opéra à ce moment-là). Son livret, inspiré de la tragédie de Voltaire de 1748, est sorti de la plume de Philippe Desriaux. La composition représente, comme le résume Dratwicki, le retour à la tragédie lyrique héritée de Gluck. Le musicologue est d'avis que « le chant y [chez Catel – M. Ch.] est tout à la fois élégant et toujours juste dans sa déclamation, l'intrigue – resserrée – ne palabre pas en épisodes superficiels, et le traitement de l'orchestre révèle, dès l'ouverture, un sens aiguisé de l'expérimentation et du monumentalisme ». Toutefois, malgré les avantages apparents, l'opéra de Catel a été retiré de l'affiche après dix représentations et, par la suite, n'a été recréé qu'en 2011 par . Cet oubli était la conséquence des critiques que le compositeur a subies de la part de certains enseignants du Conservatoire, notamment de Jean-François Lesueur, au cours d'une querelle ayant partagé les professeurs de l'établissement en deux camps, dans le contexte de la prépondérance de l'apprentissage des instruments à vent par rapport à celui du chant (avec, par exemple, vingt-six classes de clarinettes contre neuf classes du chant). Par contre, il est à ajouter que les extraits de Sémiramis ont été utilisés – en dépit de la mise à l'écart – au même Conservatoire à des fins pédagogiques et qu'alors l'œuvre a servi de modèle au style français moderne.

L'interprétation proposée par est vive, ardente et d'une souplesse remarquable. Le dirigeant du Concert Spirituel apporte à la musique une force dramatique, accumulée déjà dans l'ouverture, et la conviction de recréer un chef-d'œuvre de l'opéra français du début du XIXe siècle. Même si les bois et les cuivres ne sont pas toujours clairs – n'oublions pas qu'il est ici question d'une exécution en concert et que les vents sont anciens – on est enchanté par la richesse des teintes de tous les instruments, ainsi que par leur virtuosité impeccable. Le chœur est à tout moment splendide. En ce qui concerne les solistes, la distribution n'est pas symétrique, car quatre voix masculines ne sont accompagnées que par deux voix féminines. Pour ce qui est de ces dernières, séduit par un chant gorgé d'émotions, jamais exacerbées et correspondant parfaitement au sens des paroles chantées et aux nombreuses « inquiétudes » cachées derrière les notes de la partition. Pour les ténors, se distingue par une voix douce, affective et bien articulée. Parmi les deux basses, on a beaucoup apprécié la voix d', pathétique et convaincante par sa profondeur.

L'édition de ce livre disque est aussi soignée que les parutions discographiques précédentes du Concert Spirituel par Glossa. Le livre offre non seulement le livret complet de l'opéra, mais aussi quelques études précieuses sur Catel et sur son œuvre, pour ne mentionner que les essais écrits par , Pierre Sérié ou Étienne Jardin. Il est également à trouver ici un article biographique intéressant sur le compositeur, rédigé par François-Joseph Fétis et extrait de la Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique.

Quant aux disques et à la prise de son, il nous faut souligner qu'aucun bruit secondaire ne gêne l'écoute de ce bel enregistrement. Recommandé sans hésitation pour tous les passionnés du chant et de l'opéra !

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