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Aix-en-Provence : Le tour de force de Philippe Jordan

L' faisait escale samedi soir à Aix en Provence dans le cadre du Festival de Pâques sous la baguette du charismatique . Le jeune chef Suisse a su imposer son style ainsi qu'une hauteur de vue raffinée tout au long d'un concert exigeant notamment en deuxième partie avec Strauss. Animés par la même fougue, les trois solistes du Triple Concerto de Beethoven s'en donnent à cœur joie. Cela vaudra quelques notes à la limite de la justesse côté violoncelle et violon. Le piano de prédomine (serait- il favorisé par l'acoustique trompeuse des lieux ?) là où on attendrait le violoncelle. Il est vrai que la richesse de son toucher et la fulgurance de ses traits sont autant d'aspects de son jeu qui marquent les esprits. Ses complices d'un soir n'ont pourtant pas démérité avec une écoute attentive et des lignes chantantes contrastées. Ishizaka (remplaçant de Marie- Elisabeth Hecker) et Eberle hissent de manière sensible leur niveau de jeu dans le Largo empreint de tendresse. A l'affût du moindre relâchement, pointe de temps à autre un doigt vers le ciel comme pour saisir l'instant. Le dialogue est dans l'ensemble équilibré tout comme le final qui n'omet pas une touche facétieuse empreinte de jubilation.

En deuxième partie, le poème symphonique de , Ein Heldenleben, réunit sur scène un nombre impressionnant de musiciens. Après Don Quichotte (1898), cette oeuvre est la dernière d'un cycle de poèmes symphonique que l'auteur porte à son paroxysme expressif, tout en intégrant les formes de la modernité. Il y expérimente un large éventail de possibilités instrumentales qui sied à merveille au son coloré et homogène de l'Orchestre de l'Opéra de Paris. L'écriture foisonnante n'est pas uniquement descriptive mais aussi purement expérimentale et toujours évocatoire. s'illustre avec aisance dans cette partition complexe parcourue d'un souffle épique. Avec sa gestique tout à fait personnelle, il déroule les différents tableaux avec une narration cohérente qu'il s'agisse du « champ de bataille des héros » au caractère triomphant, « la compagne du héros » et son magnifique solo du 1er violon ou des « adversaires du héros » caricaturés avec humour. Compte tenu de la longueur du concert, seul un spécialiste du répertoire lyrique pouvait proposer un tel bis avec l'Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner et conclure ainsi en beauté la soirée.

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