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La vierge se la joue à Notre-Dame de Paris

L'arrivée des nouvelles cloches de Notre-Dame ne sont pas le seul événement musical pour célébrer le 850ème anniversaire de la cathédrale. , dont on a fêté le centenaire de sa mort l'année dernière, est également de la fête, et c'est une nef pleine de mélomanes (et de touristes ?) enthousiastes qui a assisté à la redécouverte de sa « légende sacrée en quatre scènes pour soli, chœurs et orchestre » : La Vierge.

Redécouverte, ou découverte ? Sa composition religieuse sembla dès sa création destinée à l'oubli, puisque le compositeur l'évoquera lui-même, bien plus tard, en ces termes : « l'accueil fut froid », et pas grand-chose semble avoir été mis en place depuis pour en réchauffer la réception. D'éléments torrides, la partition n'en manque pourtant pas : une noce, celle de Cana, qui en décibels pourrait concurrencer certaines fêtes organisées par nos adolescents contemporains ; un déchaînement météorologique qui n'est pas sans rappeler l'orage qui sert d'ouverture à la Walkyrie de Wagner et la présence simultanée de plusieurs phalanges musicales aboutissant même à quelques effets scéniques (l'arrivée par le couloir au milieu des spectateurs de la chorale d'enfants Sotto Voce lors de la dernière scène représentant l'assomption). A croire que la musique religieuse de Massenet soit plus opératique que certains de ses opéras !

En 1880, la première audition, qui s'est déroulée lors d'une très longue soirée musicale où l'on a pu ou dû écouter au préalable du Lully, du Rameau, du Gluck, du Grétry et du Rossini (le public avait-il alors encore la capacité, en deuxième partie de soirée, de se concentrer pendant une heure quarante supplémentaire pour écouter avec attention la musique de leur célèbre contemporain ?) s'est d'ailleurs déroulée à l'opéra Garnier. Pour cette reprise, et première dans cette enceinte religieuse mythique dédiée elle aussi à la vierge Marie, l'on n'a pas lésiné : notons outre le chœur d'enfants Sotto Voce, deux chœurs supplémentaires (celui de l'Armée française dirigé par Aurore Tillac et la dirigée par ), l'imposant et plusieurs chanteurs solistes dont la très expressive et très émouvante .

Celle qui fut jadis Manon chante ici un autre rôle de Massenet avec force, joie, douleur et finalement douceur (des pianissimi poignants symbolisant le lien entre le ciel et la terre terminent le concert), qualités dignes d'une chanteuse d'opéra de tout premier plan pour camper un personnage dont on peut réellement se demander s'il est issu de la sphère religieuse ou de l'univers dramaturgique… Notons parmi les « seconds rôles », une Laura Holm en archange Gabriel délicieusement suave. Charlotte Despaux, Caroline Michaud, Benjamin Woh et Samuel Hasselhorn, les quatre autres solistes, chantent leur partition avec justesse et professionnalisme, mais restent parfois trop obéissants encore à la cadence proposée par le chef d'orchestre . Ce dernier, devant tant d'éléments à diriger, à la tâche difficile : pour preuve, sa direction acrobatique de dos en fin de soirée (lors de l'entrée du chœur d'enfants) réalisée avec prouesse !  Sa rigueur, et son attention aux moindres détails y sont pour beaucoup dans la réussite de cette soirée qui est parvenue à allier plaisir musical et plaisir de la découverte.

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