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Mercury Living Presence, édition collector volume 2

Qui l'aurait cru ? Voici un deuxième coffret de 55 CDs Mercury Living Presence, après le premier paru début 2012. En se référant à la chronique relative au premier volume, le lecteur sera au fait de l'histoire de ce fabuleux label américain dont les principaux artisans furent un ingénieur du son de génie, Robert Fine (1922-1982), et sa femme, la directrice artistique Wilma Cozart Fine (1927-2009). Bien qu'admiratifs envers le contenu et les interprètes de ce premier coffret, nous déplorions le peu de disques consacrés à , Howard Hanson, Frederick Fennell, l'absence de , de , et nous souhaitions la publication d'une deuxième, voire une troisième boîte, afin de faire totalement honneur à ces merveilleux interprètes qui ont honoré Mercury de leur immense talent. Avec ce deuxième volume, notre vœu est comblé au-delà de toute espérance, puisqu'en dehors de l'incontournable et boulimique qui reçoit ici l'honneur de 18 CDs, se voit gratifié de 8 CDs, Howard Hanson de 10 CDs, et Frederick Fennell de 9 CDs ; les solistes (orgue) et (clavecin) ont respectivement 2 et 3 CDs. Pour faire bonne mesure, l'album est complété par les chefs d'orchestre , , Victor Alessandro, ainsi que le violoncelliste . Signalons que pour faciliter les recherches, les disques sont classés par ordre alphabétique d'exécutant.

Si les interprètes sont donc bien représentés, il est par ailleurs très peu probable que vous trouviez dans un coffret d'une cinquantaine de CDs un tel florilège de compositeurs américains aussi peu fréquents dans les salles de concert – voire aussi peu connus ! – que ceux présentés dans cette deuxième publication Mercury Living Presence… Un rapide coup d'œil sur la liste ci-dessus sera absolument édifiant à ce sujet ! Quoi qu'il en soit, cet album est assurément l'un des plus riches qui nous aient été proposés et remercions chaleureusement Universal d'avoir réédité tous ces enregistrements de légende.

Souvent qualifié de « médecin de l'orchestre », (1906-1988) a « soigné » et hissé au niveau mondial des phalanges telles que les Orchestres Symphoniques de Dallas et de Minneapolis, le , l'Orchestre Philharmonique de Stockholm et l'Orchestre Symphonique National de Washington DC. Il fut certainement l'un des chefs d'orchestre qui a le plus enregistré, et cet album en porte le témoignage, avec 18 CDs (contre une vingtaine dans le premier volume) dont les sommets sont trois disques de référence consacrés à Bartók, deux à un Lac des Cygnes d'anthologie virtuellement complet (en mono, 1954), un Sacre du Printemps apocalyptique (également en mono, 1953), et un superbe disque de musique française qui nous a notamment révélé une très rare Ouverture de Georges Auric (1899-1983). Doráti ayant gravé les Six Symphonies de Tchaikovsky, alors qu'ici sont seulement présentes les n°4 et n°6 « Pathétique », espérons qu'un troisième album nous en propose les autres, augmentées des Quatre Suites pour orchestre, toutes parues en CDs individuels.

C'est après avoir dirigé sa Symphonie n°1 « Nordique » à Rochester que le récent Premier Prix de Rome américain 1921 Howard Hanson (1896-1981) fut approché par George Eastman (1854-1932), le magnat de Kodak, qui recherchait un directeur pour son école de musique tout récemment créée à l'Université de Rochester. En acceptant le poste durant quatre décades, et en fondant l'Eastman-Rochester Orchestra composé de professeurs et étudiants, Hanson permit à une multitude de compositeurs américains (y compris lui-même) d'entendre leurs œuvres et de les voir créées au concert et au disque. Il considérait son école comme le « laboratoire musical » dont le creuset révélait les talents et les épanouissait. D'innombrables gravures, tant mono que stéréo, en restent les précieux témoignages, parmi lesquelles nous trouvons ici les trois premières symphonies de ce grand directeur – pédagogue – chef d'orchestre – compositeur, ainsi que des œuvres significatives de Barber, Gould, Ives, Mennin, Piston, Schuman, Sessions, Thomson etc…

Issu de l'Eastman School of Music de Rochester, Frederick Fennell (1914-2004) fut l'ami très doué de son mentor Howard Hanson. Passionné par les instruments à vent, il fonda et dirigea l'orchestre d'harmonie de l'école qui devint l'Eastman Wind Ensemble avec lequel il réalisa nombre de gravures d'œuvres de compositeurs américains écrites pour ce genre de formation et dont nous retrouvons ici en 9 CDs l'essentiel, augmenté de pages de musique légère parmi lesquelles celles, excellentes, de (1908-1975).

(1886-1979) fut un autre pilier de Mercury Living Presence, et tout comme Howard Hanson, il n'avait pas été suffisamment représenté dans le premier album. Ici, 8 CDs montrent tout l'immense talent de ce chef d'orchestre Premier Grand Prix de Rome français 1911, dans un répertoire surtout centré sur la musique française : outre des œuvres courantes d'accès aisé de Hérold, Auber, Thomas, Gounod, Bizet, Paul Paray nous gratifie ici des pages essentielles de Debussy et Ravel, mais aussi de Roussel (Suite en Fa), Ibert (Escales), Schmitt (La Tragédie de Salomé), ainsi que de sa propre Messe pour le Cinquième Centenaire de la Mort de Jeanne d'Arc, toutes interprétées avec raffinement, subtilité, et un goût exemplaire.

Grâce à ces quatre chefs, ce coffret Mercury offre un éventail exceptionnellement large de la musique occidentale des XIXe et XXe siècle. Mais cela ne s'arrête pas là : nous trouvons le disque manquant dans le premier coffret du violoncelliste (1924-2013) qui vient de nous quitter, dans un récital Chopin – Mendelssohn – Debussy – Bartók ; deux disques grandioses de l'immense organiste (1886-1971) dans du Widor, Franck, Saint-Saëns ; et surtout, enfin, trois disques de musique baroque au clavecin par l'excellent (1931-2013), lui aussi récemment disparu, remarquable élève de la grande Wanda Landowska (1879-1959).

Complétant idéalement cet album exceptionnel, deux disques supplémentaires sont consacrés aux enregistrements mono 1951-1954 de lorsqu'il était à la tête du Chicago Symphony Orchestra, dirigeant Mozart (Symphonie n°38 « Prague »), Dvořák (Symphonie n°9 « du Nouveau Monde »), Hindemith (Métamorphoses Symphoniques sur des Thèmes de ) et Schoenberg (Cinq Pièces pour orchestre op. 16), tandis qu'un CD-bonus propose en première de 1969 le Concerto pour piano de avec une interview du compositeur, une des dernières réalisations de Mercury Living Presence.

Que demander de plus ? Eh bien, souhaiter à cette magnifique parution tout le succès commercial qu'elle mérite de droit, afin qu'Universal puisse finalement mettre à disposition du mélomane un troisième coffret reprenant le reste des gravures Mercury Living Presence parues en CD, et si possible – qui sait ! – des publications mono supplémentaires (on songe notamment au ballet intégral La Belle au Bois dormant par Doráti ou aux Rimski-Korsakov par Paul Paray). Signalons enfin que la liste détaillée des œuvres présentes dans ce coffret est consultable sur le site Decca Classics.

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