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La résurrection de La Vestale au Théâtre des Champs-Élysées

Voici environ 160 ans que Paris attendait de retrouver La Vestale, chef-d'œuvre du Premier Empire, chaînon manquant entre la Tragédie Lyrique et l'Opéra Romantique, hymne à la gloire de Napoléon Ier.

L'œuvre possède un souffle intense, qui ne fut jamais rendu au CD, si ce n'est par Maria Callas, hélas dans une prise de son plus qu'aléatoire.

L'impatience était grande, donc, de voir cette Vestale pour la première fois, en version scénique au Théâtre des Champs-Élysées. Les retrouvailles ont été à la fois heureuses et légèrement décevantes, surtout par la faute d'une mise en scène laide, maladroite, et complètement dépourvue d'idées.

Eric Lacascade, dont c'est la première mise en scène d'opéra, accumule les poncifs à l'envi : parois noires en fond de scène, costumes intemporels, soldats cranes rasé vêtus de débardeurs et de pantalons moulants. Il traite de plus des figures issues de l'antiquité romaine, forcément hiératiques et pétries d'héroïsme, comme des adolescents de notre XXIème siècle : ainsi les vestales sont-elles habillées de petites chemises de nuit, et l'affrontement, en principe grandiose, entre le général des armées romaines et le souverain pontife se réduit à une bagarre, petits poings fermés. On laisse à nos lecteurs la surprise du ballet final, qui restera longtemps comme l'un des plus grands fou-rires de notre vie opératique.

En revanche, le metteur en scène a bien compris que l'un des écueils principaux de l'opéra est de laisser les interprètes statiques à l'avant-scène. Il multiplie donc les déplacements inutiles, voire grotesques. Les belles lumières de Philippe Berthomé, particulièrement au second acte, ne parviennent pas à masquer la vacuité de l'ensemble. Cependant il faut reconnaître à cette production, ni choquante ni endormante, qu'elle ne dérange pas la musique. C'est déjà ça.

La distribution est largement plus satisfaisante, tout du moins au regard de nos chanteurs actuels. La Vestale requiert des interprètes hors normes, dévastant de charisme, aux énormes moyens vocaux. Le genre ayant pratiquement disparu de la planète, on se contentera avec un immense plaisir de musiciens sensibles, maîtrisant le style et la diction de l'opéra français, ce qui est le cas ici.

, en nuisette ultra-courte, est une fine musicienne, jolie de timbre, qui soigne phrasé et diction. On la sent au bout de ses moyens dans les passages emplis de véhémence, mais l'ensemble s'écoute avec plaisir. , dépeint comme un loubard sexy, est un assez joli Licinius, qui manque de puissance (on n'entend absolument pas ses apartés à Julia lors de la scène du triomphe, ce qui rend la suite plus difficilement compréhensible). Comme bon nombre de produits de l'école américaine, il a appris à soigner les sons difficiles de la langue française (les nasales, le u…) mais se laisse aller sur les autres, ce qui rend la prononciation brouillonne, sans voyelles, et n'aide pas à la projection.

Là où le bât blesse, c'est que son second et ami, Cinna, est interprété par l'épatant , qui l'éclipse de très loin en termes de beauté de timbre, de métal dans la voix, et de diction. On n'ose pas penser que cette erreur de casting vient du fait que cet excellent ténor aurait moins bien porté le justaucorps en cuir et les tatouages sur biceps bodybuildés.

Les imprécations de la Grande Vestale ne siéent pas vraiment à Béatrice Uria Monzon, à la ligne de chant chaotique. est un Souverain Pontife relativement banal. On aurait beaucoup aimé assister à une des dernières représentations, et écrire ensuite notre compte-rendu, car bon nombre de ces inconvénients s'atténueront avec le temps.

Sous la direction de , le Cercle de l'Harmonie sonne d'une clarté et d'une transparence très mozartienne, tout en sachant varier les ambiances et les couleurs.

Crédit photographique : © Vincent Pontet

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